Mathilde Faugère

04/11/2011

Du mouvement au geste, du geste au dessin, du dessin à l'écriture, de l'écriture au signe, c’est une chaîne, enchaînement hésitant entre la ligne tremblée de l'enfant et l’écriture de celui qui, dit le texte, a le don. Le poète appelle à un signe qui serait  dans  un  même  mouvement ensemencement renouvelé et  espace libéré, il  appelle  au  paradoxe d'un ajout  émancipateur.

« Sinon soi, qui la parlera ? » : au coeur des liens cassés, il parle de langue, sans la détenir, l'enclore, il parle à partir d'une exigence : être fidèle « à son transitoire ». Être fidèle au mouvement irréductible de son esprit ? Être fidèle à une tâche venue du passé ? Plutôt, et en même temps, au présent, impérieux, nécessiteux, dans la mêlée de l'agora, dans le brouhaha de ces fils emmêlés de pensées, qui crissent en nous, jusqu'à l'assourdissement. 

Parole égoïste, dira-t-on. Parole disséminée pourtant, qui livre ainsi son hermétisme au premier passant qui se penche vers elle. Elle est nôtre alors, pour créer un espace, un espace dans la langue, dans la ville, un espace en nous, entre nous peut-être et reprendre à notre compte l'impératif «  éparpillons nos effluves » ; affirmer ainsi que même sans l'aura créatrice de l'artiste, même sans parler en poètes, en autorités, nous pouvons encore parler notre langue, nous pouvons nous en faire don, en auteurs, en lecteurs, mêler le vous et le nous, élargir notre transitoire au vôtre. Se donner le devoir de refuser la clôture, le repli, trop confortables, la séparation ou la fusion, postures figées. Et fonder, donner une parole, un texte, une image, qu'ils soient nôtres ou d'ailleurs, pour remédier à d'autres, pour faire signe, pour faire espace.