Exergue n° 25

 

« Boileau entreprend une promenade dans une galerie de portraits, l'art de La Fontaine refond les portraits achevés - Boileau accumule les paradigmes, La Fontaine a le souci des métamorphoses enchaînées. Tel ce sculpteur français du XVIIIe siècle qui a créé le bassin de marbre de Karlsbad, La Fontaine est capable de représenter Daphné au moment même de sa métamorphose en laurier. »

 Leo Spitzer, « L’art de la transition chez La Fontaine », Etudes de style,
Paris, Gallimard, 2005, p.196. 

 
 



Antoine Pignot

03/03/2012

La Fontaine, poète des transitions habiles et du glissement imperceptible, et lecteur passionné d’Ovide et de L’Arioste, semble avoir dérobé à la magicienne Alcine sa baguette et son pouvoir de transformer. Mutatis mutandis, il ne pétrifie pas. En un sens, ses transitions, telles qu’elles ont été analysées par Spitzer, ne sont pas transitoires, cumulatives d’univers et de représentations. Elles sont, au cœur même de la merveille, la sève du laurier qui coule dans un corps encore frémissant d’humanité, un pouvoir de circulation et d’échange cultivé sous la forme du saisissement et de l’art caché.

Peut-être n’a-t-on plus le droit de crier au génie sans s’attarder, sans regarder en arrière. Pourtant, comment ne pas s’exclamer aussi, avec La Fontaine : « Mais quoi le canal est si beau… »