Hélène Merlin-Kajman

04/05/2013

Bien sûr, ce n’est plus tout à fait notre lexique : « l’épanouissement de la civilisation la plus haute », « la fleur de la civilisation de la Renaissance florentine », « le déclin de la société ». Mais il ne faut pas s’y tromper : ce qu’Aby Warburg met ici en avant, ce sont les « manières contradictoires de concevoir la vie ». Que l’individu les accueille en lui-même, que la société trouve des médiations sensibles pour cette blessure narcissique, cette auto-tolérance, et nous saurons échapper à la haine mortelle de l’autre : tel est l’espoir.

Contrairement à Bataille qui isole le dionysiaque de l’apollinien en rivant son regard sur une photo de supplicié chinois ou sur un gros orteil, Aby Warburg a su reconnaître, jusque dans le frémissement suave de voiles agités par le vent d’un tableau de Botticelli, non une Idée, non une forme belle imitée de l’antique, mais un frisson de passion voire une expérience de folie ou de fuite transmis à travers le temps par ce qu’il nommait des « formules de pathos » : « mémoire empathique des images » (p. 285) par lesquelles les êtres humains, en se rattachant à une histoire traumatique, parviennent à se frayer un chemin entre le désastre brut et sanglant et sa transcription esthétique.

Fidélité mélancolique à la récurrence tragique plutôt qu’héroïsme de l’excès ; et, coûte que coûte, conviction qu’ainsi, malgré tout, quelque chose s’apaise.