Exergue n° 81
« Törless éprouvait le besoin de chercher sans désemparer un pont, un rapport, un terme de comparaison entre lui et cela de muet à quoi se heurtait son esprit.
Mais il s'était à peine rassuré d'une pensée que revenait l'objection incompréhensible du mensonge. C'était comme s'il avait dû se livrer à une division que la réapparition obstinée d'un reste eût empêché de s'achever jamais, ou comme s'il s'était blessé à force de s'acharner fiévreusement sur un nœud inextricable. »
Robert Musil, Les Désarrois de l'élève Törless,
trad. Philippe Jaccottet, Points/Seuil, 1980, pp. 105-106
Gilbert Cabasso
25/05/2013
Parfois, la précision aiguë d'une analyse que l'on croirait psychologique, la description d'une expérience singulière, quelles que soient l'anecdote ou la situation qui la soutiennent, portent à son comble la généralité de leur propos. Bien au-delà du personnage, de la confrontation possible à son époque, plus essentiellement qu'à l'imagination d'un récit, une expérience intime constitue l'épreuve d'une transition sans fin, jeu multiplié d'essais ouverts sur une radicale incomplétude, inachèvement dont l'œuvre, quelle qu'elle soit, ne saurait préfigurer la moindre clôture.