Exergue n° 83

 

« Une petite annonce berlinoise datant du Biedermeier dit ainsi : “Chez le confiseur Zimmermann, rue Royale, sont en vente de jolies scènes en sucre de toutes sortes, de même que des confiseries d'autres sortes, avec des devises et à prix modéré” Mais on tombe encore sur des textes bien différents. Le grand salon-théâtre-piscine de Natke, 76 rue des Palissades, affiche ceci : “Ici, le divertissement créé par la bonne humeur et l'honnête plaisanterie est d'une qualité bien connue de tous”. Le théâtre de marionnettes mécaniques d'un Julius Linde invite à ses toutes dernières productions dans les termes suivants : “Le chevalier pillard écorché ou L'amour et le cannibalisme ou le Rôti de cœur humain et de peau humaine... Pour finir, grand ballet artistique à métamorphoses dans lequel plusieurs figures dansant tout à fait d'après la vie, avec leurs transformations, viendront surprendre agréablement l'œil du spectateur par leurs jolis mouvements artistiques. À la fin, Pussel le chien prodigieux se distinguera énormément”. » 

Walter Benjamin, Éloge de la poupée et autres essais,
trad. fr. Philippe Ivernel, Paris, Rivages poche, 2011, p. 86.

 
 


Natacha Israël

15/06/2013

Pour certains d'entre nous qui, jamais, n'ont eu accès à un grand salon-théâtre-piscine ni fouillé le coeur d'une poupée de sucre, de telles promesses sont merveilleuses.

Sur le théâtre de marionnettes mécaniques, les héros sont toutefois écorchés et l'on rôtit des organes vitaux. Sans doute les enfants sont-ils invités à manger les histoires, à moins que, la première, la marionnette ne dévore l'histoire, jusqu'à percer les murs du théâtre et rejoindre, dans un jardin secret du zoo de Berlin, les marionnettes déjà émancipées. (Parce qu'il est en pain d'épices, le chien Pussel risque d'être partout mangé et aime autant rester chez Julius Linde.)

Et quelqu'un (re)crée en rêve, à cette minute, un salon-théâtre-piscine qui se distingue « énormément » de tout ce qui nous est familier...