Exergue n° 87
« L’enfer des vivants n’est pas chose à venir ; s’il y en a un, c’est celui qui est déjà là, l’enfer que nous habitons tous les jours, que nous formons d’être ensemble. Il y a deux façons de ne pas en souffrir. La première réussit aisément à la plupart : accepter l’enfer, en devenir une part au point de ne plus le voir ; la seconde est risquée et elle demande une attention, un apprentissage, continuels : chercher et savoir reconnaître qui et quoi, au milieu de l’enfer, n’est pas l’enfer, et le faire durer, et lui faire de la place. »
Italo Calvino, Les Villes invisibles, Paris, Seuil, 1974, p. 189.
Hélène Merlin-Kajman
14/09/2013
- Pardon, pardon, mais vous nous aviez promis de la couleur, de l’élan, de l’espoir. Au début, cela m’a fait rire. Mais peu à peu, au fil de ces deux années, vous aviez réussi à m’embarquer. Et puis, patatras ! Althusser et le meurtre de sa femme ! Vous n’y êtes pas allée avec le dos de la cuiller, avouez-le. Et maintenant, l’enfer des vivants ! Je me permets de vous le dire, vous trahissez votre projet. Remarquez, je suis d’accord : les temps sont des plus sombres, les utopies politiques mentent, les théories messianniques promettent des meurtres (car c’est bien ça, n’est-ce pas, que vous vouliez nous dire, avec Althusser ?) !
- Je ne sais pas qui vous êtes – mon double, sans doute, je vous entends si bien. Mais détrompez-vous. Les mots d’Italo Calvino n’ont rien de sinistre. Ils nous disent même quelque chose d’important et d’heureux : ils nous disent qu’on peut faire quelque chose, où qu’on soit, et sans attendre : chercher ce qui n’est pas l’enfer, et le faire durer, et lui faire de la place - jusqu’à ce que la transition bondisse vers du nouveau.
- Cela n’arrivera pas, cela n’arrivera plus !
- Cela a sûrement déjà commencé.