_

Exergue n° 172

 

 

 

 

La coupure – ou division ou césure – d’un mot se marque par un court tiret appelé division. Elle doit être évitée autant que possible. C’est pourquoi, dans les grandes justifications, les coupures seront absentes ou très rares, les espacements étant suffisamment nombreux pour permettre une répartition judicieuse du blanc disponible. Il en est autrement pour les lignes moyennes et, à plus forte raison, pour les petites justifications.

Certaines règles doivent être observées en ce qui concerne l’emplacement de la coupure inévitable.

 

Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale (1975 ; 1990), Imprimerie nationale, 1997, p. 60

 
 

 

Hélène Merlin-Kajman

30/06/2018

 

 

 

  Et ces règles sauvaient de l’embarras ! En bout de ligne, étourdiment, ou par défi, on avait entamé l’écriture d’un mot long en pariant qu’il tiendrait… Mais non, c’était évident, il serait trop long, déjà la première syllabe avait mangé presque tout ce bout de ligne restant, vite il fallait se décider, le couper avant de commettre l’irréparable, rature, pâté illisible, gribouillage à force de serrer les lettres, ou encore dernières lettres écrites à la verticale, mot recourbé la tête en bas, mot déchu et comme tombé ridiculement dans un ravin au bord droit de la feuille…

Mais une fois la décision prise, alors, la plume se détendait. On avait la place, toute la place, les lettres pouvaient respirer, on anticipait l’endroit le plus élégant pour la coupure : équilibre harmonieux des deux parties tronquées sans blesser les syllabes, séparer les voyelles de leur point d’appui, les consonnes de leur suite, déséquilibrer les membres, estropier le corps...

Dans ce manuel de typographie, je découvre avec amusement que ce signe s’appelle « division ». Je n’ai jamais appris ce terme, si tranchant, irréparable en un sens. Ce tiret s’appelait « trait d’union », comme celui des mots composés (j’en porte un à mon nom, il me désamarre et me désunit autant qu’il m’amarre).

Bien sûr que ce tiret divise un peu : il altère, il entame. Bien sûr, je me sens kajmanisée par le trait d’union… ! Cependant, ma merlinité n’est pas du tout engloutie par la kajmanité de « Kajman ». Nulle harmonie là, nulle synthèse dialectique (sauf dans certains usages : Lyotard aura consacré un livre entier à cette question, celle du trait d’union « judéo-chrétien » par exemple, celui qui avale et grime le différend).

Mais « division » ! Allons donc !

Moi je propose qu’on l’appelle « transition ».