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Exergue n° 153
« L’homme, qui n’a aucun sens du bien et du mal, aucune conscience morale (elle ne peut naître qu’avec la faculté de se mettre à la place des autres), qui ne croit pas en lui-même (pour la bonne raison qu’il n’a pas de réalité), compétitif par nécessité et inapte à la vie communautaire par nature, a besoin de direction et de contrôle. »
Valerie Solanas, SCUM Manifesto. Association pour tailler les hommes en pièces (1967), Paris, Les Mille et une nuits, 2005, p. 38
Mathilde Faugère
21/10/2017
De quoi parle-t-elle ? De l’homme – le masculin, pas le dit universel.
Qui est-elle ? Elle est Scum, Society for cutting up men, ou la lie de la terre, les femmes méchantes, arrogantes, fières sans gêne, égoïstes.
De quoi ce livre est-il le manifeste ? De la supériorité radicale et indépassable des femmes sur les hommes et de la nécessité de les tuer tous, sans exception, eux, les hommes de la terre. Et ne croyez pas qu’elle rigole.
Contre qui s’élève-t-elle ? Tous et toutes, réacs, filles à papa, féministes et alliés, tous.
Qui s’élève contre elle ? Toutes et tous, ou presque, c’est si facile, si évident, un boulevard pour la haine. Il y a bien la postface de Houellebecq, mais, non, pas possible. Il y a bien les lectures d’avant-garde, les lectures savantes, mais non. Je ne les lirai pas. Pas envie. Je le sais pourtant, que tout est faux, tout est ridicule, tout est absurde. Trop simple, trop violent pour moi, trop bête.
Pourtant je n’oublie pas Scum. Et elle me gêne. Et je n’ai pas envie de la mettre à distance, encore moins de me moquer d’elle. Non, au contraire, elle tourne et tourne dans ma tête, elle est là, tapie, et lorsque soudain je me prends à rêver moi aussi de tailler en pièce, après les mille agressions, les mille récits, les mille trahisons, elle se rapproche, et elle éclate de rire.
Et je ris avec elle. Ah comme elle me fait rire ! Comme elle me soulage ! Comme les inepties qu’elle propose me font du bien ! Comme de la lire à la fin de ma journée dénoue quelque chose de mon désespoir. Cutting up men, se venger, riposter… Et la croyance dans le « c’est pour de faux » vacille.
Car ce n’est pas « pour de faux », ce à quoi elle touche. Elles sont bien réelles, elles sont bien là, ces sensations de transitions impossibles, de fractures irrésolubles. Elles sont bien là. Et rien ne marche. Rien. Alors, je continue à lire, à rire, à en pleurer.
Et puis… je dis « je », certes… Mais, en réalité, je crois que nous – tellement, tellement de je – lisons, nous rions, nous pleurons… C’est un problème, non ?
Cet exergue de Mathilde Faugère a suscité l'écriture d'une réponse par Hélène Merlin-Kajman, publiée le 28 octobre 2017.