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Exergue n° 150

 

 

 

« En plaçant l’activité du langage au centre du social, la poétique permet de critiquer l’alternative dans laquelle on met communément la question de sa fabrication : reproduction insue de l’héritage ou contrat social entre agents conscients et volontaires ; holisme ou individualisme méthodologique. Ce qui se produit dans la sociation, c’est une transsubjectivité qui n’est réductible, ni au sujet substantiel ou à l’individu, ni à la subjectivité de la langue ou du social. La sociation ne se fait ni par des échanges d’arguments, ni par la transmission de valeurs, de significations, de symboles, mais par le passage des sujets. Une transsubjectivité passe d’individu à individu et fait d’eux des sujets en donnant rythme à leur vie. »

Pascal Michon, « Le sujet comme utope », dans Nu(e) n°21, Henri Meschonnic, septembre 2002, p. 122.


 
 

Hélène Merlin-Kajman

17/06/2017



Malgré sa lourdeur, et, au fond, son inélégance, j’aime bien cette phrase. Je la salue : je n’ai pas su lire Meschonnic il y a quarante ans. C’est une expérience toujours délicate, ou peut-être plutôt indélicate, de rencontrer un grand penseur trop tard, de découvrir trop tard qu’il aurait pu vous nourrir, qu’on aurait pu lui devoir quelque chose. À l’époque où je l’ai lu un peu, rien dans sa recherche ne me parlait immédiatement, urgemment. Les titres de ses livres (et sa renommée…) évoquent la poétique et le rythme : cela ne pouvait le ramener vite pas vers moi, sauf récemment, pour une communication portant… sur ces questions.

Je ne sais pas ce qui, ici, dans cette citation de Pascal Michon, revient à ce dernier ou à Meschonnic. Tant pis. Je salue cette transsubjectivité qui donne rythme à la vie, car j’entrevois que sans elle, nulle transitionnalité littéraire (ni langagière ?) n’est possible. Et j’aime assez, dans le même article de Pascal Michon, une autre phrase encore qui pourrait soutenir l’hypothèse des tissus socio-émotionnels, des diffusions traumatiques ou, à l’inverse, avec espoir, des inventions anti-traumatiques collectives : « L’individu peut, en dépit de son héritage, accéder, au quotidien, dans la conversation la plus banale, à un transsujet et déborder sur des groupes auxquels il n’appartenait pas. »