Adage n°3.3. : Loin des yeux... / H. Merlin-Kajman



Adage n°3.3.

 

 
Loin des yeux, loin du coeur.
 
 


Hélène Merlin-Kajman

04/01/2020

… C’est une chanson désinvolte qu’on fredonne sans y penser, sans y croire, sans y prêter attention, sans s’être encore aperçu qu’elle avait déjà fait son effet,

Parfois on ne sait même pas qu’on la fredonnait dès le premier instant de la séparation,

On ne l’avait pas vue venir, quand on la surprend dans sa tête on ne sait pas encore que c’était une décision,

On n’avait pas prévu la sensation de légèreté qu’elle provoque, d’incognito, de barque qu’on désamarre d’un geste vif,

On n’avait pas prévu qu’une autre page s’ouvrirait, une page sur laquelle absolument rien n’était encore écrit, qu’on ne rouvrirait pas la dernière, qu’on ne retournerait pas en arrière, qu’on habiterait pleinement, le cœur léger, la joie du présent et de ses découvertes… 

 

… Ou au contraire, c’est un présage sinistre, une pince, une tenaille qui serre la gorge, une malédiction, une mauvaise voix méchante qui vous susurre à l’oreille des bribes de phrases atroces, qui vous fait repasser le film des moments ensemble et vous tord l’estomac…

Là non plus la phrase ne vient pas tout de suite ; et quand elle vient et qu’elle vous glace, vous la repoussez même, elle est si bête et si indigne !

Pourtant c’est bien ça, et elle dit trop bien !

Elle vous fait voir de méchantes images volages, elle vous glisse dans les yeux l’image de l’ami(e) qui, là-bas, là-bas, ah, là-bas – est peut-être en train de fredonner cette même phrase sans y penser, désinvolte, allègre, ce même adage qui est en train de vous arracher les boyaux…

Vous avez les yeux fixés sur son retour, le temps passe à la lenteur de l’horreur, heureusement les premiers messages arrivent, mais un peu moins vite que ce que vous attendiez,

Oui, oui, il y a mille explications à cela, mais la syncope s’imprime dans la succession des jours, des heures, et la chansonnette ou le cauchemar peuvent à tout moment renaître sur des lèvres, ici ou là-bas, n’importe quel jour, n’importe quelle nuit, c’est si difficile d’être synchrone quand on est loin…

 

Et si on ne revenait pas ?

Et si ça ne revenait plus ?

 

- Mais il y a dans la virgule une ligne d’horizon.

Il y a, dans la virgule, une hésitation, une pause, une respiration même, le temps de repérer la répétition.

Ce petit temps qui fait comprendre le piège…

Très stylée, la répétition. Sauf qu’elle triche.

« Loin des yeux », ça ne veut rien dire. C’est très bien pour le parallélisme, sauf qu’il ment.

 

Comme si le cœur n’avait pas d’yeux !

 

Je pars

Oui c’est vrai : c’est loin, c’est trop loin

Mais j’emporte ta photo avec moi et ton visage dans mon cœur

Et tant d’autres signes qui ne me quitteront pas…

Et toi, est-ce que ça n’est pas pareil ?

L’attente du retour, la morsure des jours absents, ça fait mal à nous deux…

 

 

 

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