Adage n°43.3.

 

Parez la pierre, elle devient merveille.

 
 

Augustin Leroy

16/07/2022

La promesse donnée à l’enfant pour qui la magie n’a rien d’inconcevable nourrit cet adage d’une puissante énergie. Merveille est un mot si enthousiasmant, chaud de la lumière d’une bougie à la tombée du jour, petite veilleuse des nuits de l’enfance, une mère qui veille, une couleur vermeilleuse versée dans le ciel et sur les pierres qui s’allument au gré de la musique du langage, les explosions des « p » et la douceur du « v », des rêves de pierre, des lèvres salées, un peu de mousse verte.

Pourtant, l’adage repose sur une hiérarchie de valeur : la pierre est pauvre, sans habit ni parure. Un rien la transforme, un petit trait couleur, un éclat de silex peuvent la rendre flamboyante.

En somme, la pierre nue n’est qu’une pierre. La pierre parée est joyau.

Je crois que je n’aime plus l’adage si je l’accompagne dans cette logique, parce qu’il fait du tort à la pierre.

J’ai tant de fois arrêté le mouvement de mes pas, le regard happé par un petit caillou, une pierre à la forme étonnante, à la couleur inattendue et changeante selon qu’elle est au sec ou trempée dans l’eau - parfois un crâne humain, parfois la dent d’un petit dinosaure, parfois la simple évidence d’un roc brisé et intentionnellement déposé à mes pieds pour que s’y blesse mon petit orteil.

Gare, toutefois : la merveille brûle l’œil, les pierres percent parfois la peau, les sortilèges font peur. L’or aussi fait merveille, il est la merveille même : l’or n’est qu’or – absolument seul, aveuglant et sans tâche.

Comme l’écrit quelque part Henri Meschonnic, « le rythme de l’or, c’est la ruée ». La pierre nue ne rue pas et n’est pas prise en chasse par la cupidité des hommes, elle roule, tombe, éboule, protège du vent et circonscrit le feu – parfois vole dans un carreau et arme la colère.

J’aime la pierre, simplement parce qu’elle est là, solide, faisant obstacle, arme, jouet, outil. Elle réclame de l’attention

Je ne la parerai pas, sinon de mon œil qui s’y poserait un instant et interromprait l’éboulement du monde : regardez la pierre, elle devient merveille.