Adage n°36.3.

 

Le hasard fait bien les choses.

 
 

Hélène Merlin-Kajman

16/07/2022

J’adore cet adage. Il ne sert à rien. Il est faux de manière éhontée : c’est un adage absurde qui ment comme il respire pour prendre le hasard par les cheveux, se le concilier, comme l’occasion.

Je ne sais pas si je l’ai jamais prononcé, mais je m’imagine le faire sans rougir : à la terrasse d’un café où je cherche une table pour siroter tranquillement une citronnade fraiche, lors d’un voyage au fin fond d’une province française où je suis de passage, je tombe sur un collègue que je n’aime pas. La surprise m’est désagréable. Alors, sans vraiment réfléchir, sous l’effet de la surprise et pour m’exhorter intérieurement à un peu d’affabilité, je m’exclame que « vraiment le hasard fait bien les choses ! ». L’ironie est auto-persuasive : un coup de baguette magique sur la situation.

Pour du hasard, c’est du hasard ! Et comme tout hasard, il me déstabilise. Je l’apprivoise en le déclarant bon. Je le désarme, je le capture, je l’emprisonne, je le métamorphose. Dire de lui qu’il fait bien les choses, c’est à peu près comme appeler « bienveillantes » les déesses de la vengeance. C’est l’amadouer à force de trucage.