Adage n°36.1.

 

Le hasard fait bien les choses.
 
 

Guido Furci

11/06/2022

Tadam ! Plus de vis-à-vis.

C’était l’un des arguments régulièrement utilisés par les agents immobiliers de banlieue. « Ici, on n’est pas à Paris quand même ! » Dommage, me disais-je à chaque fois. S’il est vrai que j’avais envie de campagne et de promenades dans les bois en fin de semaine, je savais que je n’aurais jamais pu habiter trop loin d’un café (ou d’une « vraie ville ») et, plus ou moins pour les mêmes raisons, de quelqu’un dont on peut apercevoir assez clairement la silhouette derrière les rideaux. Je n’aime pas forcément que l’on puisse voir chez moi (même si, sauf exceptions, ça ne me dérange pas particulièrement). En revanche, je trouve apaisant le fait de me savoir entouré d’autres gens qui rentrent du travail et se font à manger en écoutant la radio, qui se douchent tôt le matin ou tard la nuit, qui se parlent ou qui se disputent, qui vivent – et ne s’obligent pas à le faire en cachette. Un jour où j’étais dans le nouvel appartement pour surveiller l’avancement des travaux dans la salle de bain, j’avais croisée la concierge qui m’avait dit : « moi aussi je devrai faire des travaux dans quelques mois ; je vous préviens, ici on entend tout ! ». Il vaut mieux ça que le contraire, m'étais-je dit. « Bon bah, comme quoi, le hasard fait bien les choses » avait rebondi un ami et collègue qui me connaît bien, et qui était avec moi pour donner un coup de main. Pourvu qu’il ne s’agisse pas de mauvaise isolation, penser les espaces habitables, non pas comme des « habitacles », mais comme des « vases communicants », m’a toujours fasciné, jusqu’à justifier la signature de certains contrats de location quand j’étais plus jeune. Quant au hasard, je n’y ai jamais vraiment accordé tellement d’importance, dans la mesure où j’ai toujours eu l’impression que rien ne fait quoi que ce soit à notre place. Par ailleurs, l’idée que le hasard fasse bien les choses me semble suggérer que les individus puissent être agis, plus qu’ils n’agissent. Dans certaines circonstances, c’est sans aucun doute vraisemblable. Mais quand bien même cela serait plausible, qu’est-ce que cela voudrait dire « bien faire les choses » ?

Je ne serais pas étonné de découvrir qu’en réalité cette expression n’aurait dû être destinée qu’à une utilisation ironique. En fait, instinctivement, j’aurais tendance à l’entendre comme une antiphrase, ce qui fait qu’elle me surprend à chaque fois où je réalise qu’il n’y a aucune ironie chez les personnes qui s’en servent. Ou du moins chez la plupart des personnes qui s’en servent. Je me souviens en effet d’un manuel de français langue étrangère où j’avais découvert (par pur hasard ?) une réplique de Coluche qui disait : « le hasard fait bien les choses ? J’en connais un, il a pas dû être fait par hasard alors… » Rien de tellement amusant dans cette histoire, j’avais dû penser ; cela dit, j’y pense encore.