Virginie Huguenin

14/03/2015

Dans un dictionnaire, qu'il soit ancien ou moderne, le mot « mère » peut recouvrir une kyrielle de sens, allant du domaine de l’œnologie à celui de la sylviculture, en passant par l’agriculture, la céramique et l’électroacoustique. Je ne connais rien à tout cela et peu m’importe aujourd’hui de savoir de quoi il s’agit. Ce qui m’interroge, c'est la présence obsédante de ce terme dans des domaines de la connaissance qui ne semblent pas parvenir à lui trouver de synonyme.

Mère.

Du dictionnaire de Furetière au Robert actuel, la mère est, entre autres homonymes, celle qui, sans hiérarchie autre que celle suggérée par l’ordre de l’énumération, met au monde ou adopte un ou plusieurs enfants. Pour Furetière, cette mère est une « vraye mère », contrairement à « la mère nourrice », qui donne à téter son lait. D’emblée, j’aime cette « vraye mère » qui, contre toute attente, se définit en dehors de ce que peut signifier l’expression «  bonne mère » qui serait au minimum, une mère qui nourrit son enfant.

La définition de la mère se situerait donc en dehors du palpable des choses – du sang et des douleurs de l’accouchement comme du lait qui coule d’un sein qui nourrit. Et le paradoxe est que l’inconsistance de la réalité couverte par l’expression « vraye mère » renvoie à la polysémie même du  mot « mère », infiniment présent dans la langue, dans des domaines plus divers les uns que les autres : il inonde la page du dictionnaire et, chez Furetière, sans parler de la « belle mère » ou de la « grand-mère », il se déclinerait presque à l’infini pour désigner diverses réalités : une fleur, une perle, une pierre précieuse…  susceptibles pour beaucoup d’être dupliquées. Mère, mère, mère.

Alors, de la mère, je ne peux rien en dire, je ne sais pas précisément ce que c’est, tant la définition est fluide et insaisissable. Mais devant mes yeux, les colonnes ouvertes du dictionnaire, et devant moi, chaque jour, les choses de la vie qu’il décrit. Je la vois partout. Je la rêve partout.