Abécédaire

 
 Communisme n° 1
 
 


Carlo Brio

22/11/2014

Omnia sunt communia, c’est la devise, tout est en commun, du communisme, mot qui désigne les doctrines et les pensées et les imaginations qui tout le long de l’histoire ont conçu et formulé la possibilité d’une vie fondée sur la solidarité, ou, à la moderne, sur le partage des moyens de production, ou encore, une vie où la possibilité d’atteindre les ressources vitales ne soit niée à personne, où en-haut, à la source, il n’y ait pas le loup. L’on met en commun les frais et les gains, rien n’est à moi ni à toi, mais tout à nous et chacun y puise selon sa nécessité.

Cependant l’homme est un loup et ses dents sont prêtes plutôt à la lice qu’au partage : même là où la propriété privée a été dissoute, l’on peut constater qu’il y a des biens plus communs que d’autres.

Dans l’histoire récente la devise est portée par un spectre, c’est-à-dire un fantôme, voire un rêve, mais tout rêve est destiné à échouer, le réveil est toujours proche (et pourrait-on dire que plus le réveil s’éloigne plus le rêve s’approche du cauchemar ?). Donc pour ne rien perdre de son élan, il faut que le rêve soit tissé sur la chair, que le désir (qui au Moyen-âge est un fantôme) s’accroche à la réalité des corps, maisons de douleurs, et de cette communauté des yeux et des mains. Communisme est d’abord communisme d’espèce, le fait qu’on existe et que l’air circule de poumon à poumon par la grande bulle de l’atmosphère, le fait qu’on partage la stupeur de se voir et la tristesse d’une vie : c’est dans cette condition déjà commune qu’on pratique d’abord, au-delà de l’époque, au-delà de l’histoire, le communisme.

Il ne sera pas vraiment utile de rappeler que le mot travail sort du latin tripalium, qui était un instrument de torture. Les travailleurs (prolétaires de jadis), qui sont appelés à s’unir, le font d’emblée par-delà le partage de la fatigue qui perce la chair, et l’esprit.

Pour déplier le mot communisme et y trouver le noyau, il faut prolonger la lecture de sa devise un peu couverte de poussière : tout est en commun, oui, sed in primis dolor (vel cura), et communisme devient la pratique de la compassion, où l’homme, avant de se voir loup, voit qu’il se voit.