Abécédaire
Sonia Velazquez
18/10/2014
ANTIQUITÉ, ancienneté, ce qui (et ceux qui) nous précède(nt) dans le temps — mais c’est aussi, comme l’explique Sebastián de Covarrubias dans son Tesoro de la lengua castellana (1613), une question de rang, de précédence et de réception. Ce monde matériel et virtuel du passé nous précède, nous appelle, et surtout il anime notre désir d’origine ou d’authenticité, de perfection (projeté sur un passé mythique ou réclamé par un présent qui se veut toujours supérieur au passé), mais aussi le désir de nouveauté, de collection, de jeu. L’antiquaire, « curieux des choses d’antan » (Covarrubias encore) fouille, cherche, amasse, et ramasse. Il est le conteur de Walter Benjamin, mais en brocante. La collectionneuse comme le raconteur trouvent et prennent soin de petits bouts du passé (ruines, tombeaux, jouets, vaisselles, vieilleries) qui ne servent pas à l’expliquer mais plutôt à s’en souvenir : to recollect. L’historien, par contre, range des affaires, leur donne leur place dans la chronologie des événements, elle-même mise en ordre à la lumière d’un telos particulier.
Comme la relique, l’antiquité suscite le goût pour le fragment, pour l’illusion de la possession de ce qu’on ne peut posséder et pour le pouvoir du passé sur le présent, la vénération. Mais à ces pulsions apolloniennes s’ajoutent les dionysiaques : le mot « antiquité » est de même racine que le mot anglais antic, description des formes plastiques et des manières où règnent l’irrévérence, l’inconvenable, tout ce qui est bizarre, ou même baroque.
On peut parler d’une antiquité-classique, toute sage, blanche et savante — « les beaux monumens qui nous restent des Anciens » (Furetière), mais aussi d’une antiquité-moderne, en explosion de couleurs Technicolor, pixelées même. Telle est l’antiquité d’Athéna Parthénos, déesse en gypse doré et peinte qui habite dans la copie à échelle réelle du Parthénon à Nashville, Tennessee (Etats-Unis), patronne de la sagesse, des vierges, d’Ulysse et de Percy Jackson, Télémaque moderne de l’écran du cinéma en guise d’adolescent mécontent. La statue d’Athéna Parthénos dessinée par Alain LeQuire, copie authentique d’un original perdu, témoigne d’une antiquité vivante, révérente dans l’incongruité et surtout rieuse.