Abécédaire

 

 
Gravité 
 
 


Boris Verberk

12/01/2019

 

 

Il y a un jeu d'une grande beauté : deux personnes se suivent, immobiles, jusqu'à ce que la première se laisse tomber en arrière. La seconde la rattrape. On rit. Au moment de la chute, il n'y a pas un regard complice, pas un mot qui peut convaincre, juste la confiance. Ainsi, parfois enfant déjà, on fait l'expérience de la gravité.

Quand on parle de révolution copernicienne, il faut peut-être entendre révolution dans son sens propre : la Terre tourne autour du Soleil à la manière de Copernic. Le véritable changement de paradigme, c'est Newton qui l'apporte. Ça ne tourne plus, ça tombe.

Et en effet, tout ça ne tourne pas rond, mais tombe pourtant sous le sens.

Ainsi, tout ne demeure pas dans un mouvement perpétuel. La stabilité ne s'obtient qu'au prix d'un rapport de force jamais réglé : si je tiens debout c'est en luttant jusqu'à l'épuisement.

Alors c'est donc ça, l'équilibre ? Tenir entre deux pôles qui nous attirent, plus forts que soi, et dont les attractions s'annulent à un certain degré.

La gravité nous cloue au sol. Ah, tu parles d'une crucifixion !

Mais elle nous donne un poids aussi, et on peut encore choisir dans quel sens on va peser.

Même si dans l'univers, rien ne pourrait résister à l'attraction des trous noirs. Brrr.

Les puits sont aujourd'hui grillagés. Enfant, je voulais toujours regarder au fond. J'y lançais des cailloux, curieux d'entendre l'écho de leur chute pour en estimer la profondeur. Souvent, je n'entendais rien. Et puis il y avait le vertige de tomber dedans. Peur ou envie ? Peut-être qu'un pays des merveilles se trouve au fond ! Plus que de se briser la nuque, les barreaux de fer retiennent de se jeter là d'où rien ne revient – pas même un « ploc ».

Sur la Lune, la pesanteur est plus faible. C'est certainement pour ça qu'on y laisse parfois sa tête qui semble si lourde quand on a les pieds sur Terre. Quitte à faire le clown, certains préfèrent Pierrot à Culbuto.

Et les trapézistes qui se lancent en l'air, rattrapés par l'autre au seuil du vide. Et les funambules, les équilibristes qui le traversent sur la corde raide. C'est au cirque qu'on défie le plus la gravité.

Il y a beaucoup de choses qui nous tombent dessus : sentences, tuiles, étoiles, poètes, surprises, pommes... Mais quand ces dernières me tombent dessus, je n'y vois qu'un providentiel en-cas.