Abécédaire

 

 
Hiéroglyphe 
 
 


Sonia Velazquez

12/01/2019

 

 

Hiéroglyphe : Du grec ἱερός (hierós), sacré et γλύφειν (glýphein), graver ; calque de l’égyptien pour « parole de dieu ».

Les hiéroglyphes font rêver.

À la fois parole et peinture, abstraction et chose, poétique et herméneutique, mystère et communication naturelle, les hiéroglyphes sont avec nous dès la découverte des pouvoirs de la métaphore ; c’est-à-dire, le transport d’un monde à un autre. Dans l’Égypte ancienne, les griffes sacrées étaient des mots-symboles, à la fois porteurs de sens et de présence. Comme le symbolon de l’hospitalité – objet cassé et partagé entre amis à fin de se retrouver ailleurs dans l’avenir à travers des générations – l’écriture des hiéroglyphes sur les tombeaux donnait une espèce de passeport ou sauf-conduit pour le voyage outre-tombe. Les hiéroglyphes étaient non seulement des objets-paroles ésotériques mais on les retrouve aussi en décoration sur joaillerie ou meubles ainsi que dans l’enregistrement des lois et de l’histoire.

Une enquête sur l’application linguistique Ngram Viewer de Google montre que la fréquence de la présence des mots « hiéroglyphe / géroglyphe », ainsi que de leurs versions en anglais et en espagnol, dans les livres numérisés par Google Livres, est forte dans la seconde moitié du dix-septième siècle, et cent-cinquante ans plus tard quand Jean-François Champollion aura déchiffré la pierre de Rosette. Dans la première vogue de hiéroglyphes, ils se trouvent à côté (et presque indiscernables) des emblèmes, devises, insignes, blasons, bref, toute sorte de communication à mi-chemin entre langage et image. Le collectionneur espagnol d’emblèmes morales, Juan de Horozco y Covarrubias (1540-1610), trace les connexions entre d’une part l’écriture de l’antiquité égyptienne (et les peuples du Nouveau Monde) et d’autre part les blasons des escadrilles militaires fabriqués comme des petits poèmes à porter lors d’un défi chevaleresque. On rêve ainsi des drapeaux plus proches de la poétique que de l’Histoire.