Abécédaire

 

 
Bond n° 2
 
 


Hélène Merlin-Kajman

03/11/2018

 

 

Le mot « bond » est formé à partir de « bondir ». Mais personne ne sait pourquoi « bondir » provient d’un verbe latin, bombitare, qui veut dire bourdonner. Une impression sonore s’est traduite en perception visuelle, et celle-ci en impulsion cinétique. Ainsi s’explique peut-être la différence d’intensité entre le saut et le bond : surgi de plusieurs sens à la fois, prêt à se déployer en bondissements, le bond va plus haut, plus loin que le saut. Il appelle le rire, l’ivresse, la main attachée à une autre main ; il est flèche, il est élan ; il rivalise avec le vent.

Le bond est par excellence un mouvement animal. Mais tous les animaux ne bondissent pas, et ce ne sont pas forcément les plus légers qui le font. Ainsi, les oiseaux aériens déploient leurs ailes et s’envolent. Mais à terre, ils sautillent, ils ne bondissent pas.

On dit abusivement de certains animaux qu’ils bondissent lorsqu’ils sautent sur leur proie, comme le tigre ou le léopard. D’autres font des sauts spectaculaires sans pour autant bondir, comme la puce, le kangourou, la grenouille ou le grillon. Mais seuls certains animaux bondissent absolument, comme le chamois, la chèvre ou la gazelle ; et le dauphin, et le poisson volant.

Passée la grâce de l’enfance, l’homme n’est pas le plus bondissant des animaux. Mais il se rattrape en jouant (avec toutes sortes de balles et de ballons notamment) et en mettant toute sa personne au diapason du bond.

Ainsi, il est de notoriété publique que certains organes bondissent (Lorsqu’elle vit apparaître le message attendu, son cœur fit un bond dans sa poitrine).

Certains sentiments peuvent réellement faire bondir : la peur, la colère, la surprise, la joie... Et d’autres métaphoriquement, et rebondir même : l’amour, la confiance par exemple.

De là vient que certaines locutions décrivent quelques expériences ou quelques moments décisifs de la vie humaine (Prendre la balle au bond. Faire un bond en avant).

Il arrive aussi que le temps paraisse bondir en désordre. Ou qu’à l’inverse, sa lenteur torrentielle évoque les bonds et rebonds que l’eau fait de pierre en pierre, trop vite pour que le regard cherche à la suivre.

Bombitare, c’était cela peut-être, ce bruit d’eau sans cesse jaillissante, sans cesse renouvelée : fermer les yeux au bord d’une cascade, au creux de l’été. Car dans l’indolence, la pensée et le cœur, tout le corps même, font des bonds secrets et convergents.