Abécédaire
Lise Forment
2/06/2018
Monosyllabe tonnant.
(Peu importe que ce [t] soit sourd.)
Il tonne comme pour nous faire oublier de trop détonants homonymes : Tonton tond ton thon. Belle faute de ton, quel mauvais goût !
Comme le goût, comme le sens, le ton tend à me tendre, tant il doit être bon… Bon goût, bon sens, bon ton : même combat, et patatras.
Le ton me fait entendre cette petite musique. La peur de ne pas être dans le ton – et cette délicate appréciation : « il serait de bon ton de… ». Si facile à écrire, mais si l’on y met le son : si embarrassant de se l’entendre dire… ou de s’entendre soi-même le dire !
Il y a aussi tous ces moments où vous auriez voulu que lui ou elle change de ton, où vous auriez aimé le lui dire, mais sans tonner (souvenir d’un « thon toi-même !»), où vous n’avez pas su, précisément, trouver le ton et les mots. Le bon ton, un bon mot.
Comme le goût, comme le sens, le ton est un souci. Mais le souci du ton suffit peut-être à le trouver, à le donner. Un peu. Travail du ton, tactique du tact : ne pas tonner – ne pas tonner d’emblée –, écouter, accueillir, mesurer. Considérer et réaccorder.
Comme un don, en sourdine.
(Peu importe que ce [d] soit sonore…)
Il tonne comme pour faire résonner encore et toujours l’origine du mot, la matière musicale de ses échos et les infinies inflexions de ses accords. Ton / son / ta voix / quel ton ?
Cent couleurs, tant de sortes de muances.