Abécédaire

 

 
Rivage n° 2
 
 


Gilbert Cabasso

12/05/2018

 

 

On peut le définir au départ de la terre comme à l’arrivée des flots. On parvient au rivage en traversant les mers, en y accostant, ou en allant jusqu’au bout des terres.

C’est une frontière, le bord d’un espace, l’horizon d’une errance, une ligne, une étendue qui longe l’océan, la mer, le lac, encadrant, limitant la surface liquide du paysage. On passe d’une rive à l’autre, on traverse le cours du fleuve, bordé de part et d’autre.

Le rivage se quitte, se perd, sans escale, dans l’infini du ciel ou du temps. En arabe, les « Harraga » désignent les migrants clandestins quittant la côte algérienne vers d’autres terres inconnues, passant la mer, au risque d’y périr. Fuir, partir, en arabe, se dit d’un mot qui signifie « brûler ». La Harga est l’action de brûler ses papiers. Le voyageur clandestin, celui qui franchit la Méditerranée, en quête d’un ailleurs vivable, qui abandonne le rivage natal, est celui qui « grille » la preuve de son identité d’origine. Quitter le rivage, c’est se brûler soi-même. Eau et feu mêlés.

Le temps aurait-il donc un rivage ? Impossible de le penser sans qu’il m’évoque un terme, la fin d’un parcours. Le rivage d’une vie, son havre ? Le sombre rivage des Enfers ?

 

Renversement soudain, quand me reviennent sans m’y attendre les vers apaisants de Baudelaire :

« Je vois se dérouler des rivages heureux 

Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone »

 

 

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