Abécédaire

 

 
Parfum
 
 


Mathilde Faugère

31/03/2018

 

 

 

Parfum, le mot est si capiteux lui-même, promesse d’alliances subtiles, d’effluves puissantes, de combinaisons musicales, de luxe. Le parfum est d’abord baudelairien, forcément.

Loin de la senteur naturelle, de l’odeur brutale, du sent-bon de l’enfant, ou même de l’eau de toilette trop pudique, les gouttes de parfum, promettent, à la pulsation de mon cœur, la belle alchimie, chaude et complexe, harnachée en rondeur enveloppante, ou encore clarté tranchante et vive. Je m’y enrobe, le portant. Il est pour moi sensualité heureuse, choisi trop fort, un peu, pour se débarrasser des odeurs de fleurs et de lilas, on grandit pour le porter.

Je les sens aussi. Plongée dans la salle de bain de mon enfance dans le parfum poudré à regarder au soir la beauté maternelle prête à partir. C’est bien sûr aussi, là dans la rue, au dépourvu, au débotté, le choc présent, rageant, du parfum d’un amour passé. Arrachement et douleur. Le parfum, odeur du passé ? Non, le parfum n’est pas innocent, il ne joue pas du hasard, il se promet comme une obsession future. Comme un style, une écriture : on s’y baigne, on s’y coule, on le quitte, et toujours, ensuite, on le reconnaît.

Certains lui reprocheront de vouloir cacher, masquer les odeurs « vraies » de nos corps, dénonceront fausse pudeur bourgeoise, culpabilité catholique du corps. Mais, on oublie alors qu’il est une parure bien ostentatoire, qu’il trône, dans ses flacons de gloire, à la coiffeuse. Est bien prude peut-être celui qui en appelle à la nature. Et puis, si animal, le parfum : il ne s’agit pas de cacher, il s’agit de promettre, dans son odeur qui se mélange à la nôtre, qui s’y mêle au plus proche, ce que sera le corps, d’étendre ainsi un peu sa peau, d’accepter le musc, d’offrir un peu sans s’offrir. Nous nous plaisons, nous nous aimons en nous sentant.

Je ne l’aime pas : criard, agressif, dans la pièce close (atteindre l'équilibre...) – quand il vient d’être mis, et qu’il ne s’est pas encore posé, et mêlé – quand il demeure, malheureux, mélangé à d’autre odeurs, tourné.