Abécédaire

 

 
Œuvre
 
 


Hélène Merlin-Kajman

17/03/2018

 

 

Œuvre*

           

* Et son bel « e » pris dans le « o »…

           

1. Il y a une idée de grandeur dans l’œuvre (« chef d’œuvre ») et de courage (« se mettre à l’œuvre »). « Se mettre à l’ouvrage » est plus modeste : et l’on ne dirait pas « avoir du cœur à l’œuvre ». Mais « être à pied d’œuvre », si : et c’est très concret.

De même on dit « main d’œuvre » pour les ouvriers.

 

2. On dit une bonne œuvre, de bonnes œuvres, mais guère de mauvaises œuvres. On dit une bonne action, et une mauvaise action ; de bonnes, et de mauvaises actions.

L’œuvre magnifie.

Pas étonnant qu’elle devienne un opus, un opéra*.

 

* Non, non, ne craignez rien, je sais bien que le latin vient avant le français, opus et  opera avant œuvre…

 

3. Dans l’œuvre il y a surtout une idée de durée : l’œuvre se conçoit, se projette, s’accomplit sur le long terme, s’achève comme une totalité. Idéalement, avec la vie.

Elle est un petit jugement dernier à l’échelle d’une biographie.

 

4. Parfois elle dérape vers le plus haut. Et même l’Humanité devient une œuvre.

Alors elle se met à sentir le roussi.

           

5. Mais un jour, tout le romantisme s’effondre, la Littérature, l’Histoire, les Arts. Il n’y a plus d’Œuvre, et surtout pas celle d’un Peuple.

 

6. Seulement, voilà, avec sa disparition, de vilains petits monstres sont apparus, qui meuvent désormais des hommes politiques, des philosophes, des écrivains, des artistes, mais ne nous font pas beaucoup progresser. Le capital symbolique. L’intérêt. Le produit. Le salaire…

 

7. J’avoue souvent que j’ai le fantasme de l’œuvre. Comme fantasme, il ne fait de mal à personne. Il m’entretient dans le désir de lancer quelque chose que quelqu’un, un jour, peut-être accueillera. Ce n’est pas porter ma pierre à l’édifice : il n’y a pas d’édifice. Mais quelque chose comme mettre la main à la pâte. Et m’élancer.