Abécédaire

 

 
Errance n° 2
 
 


Gilbert Cabasso

16/12/2017

 

 

Juin ton soleil ardente lyre

Brûle mes doigts endoloris

Triste et mélodieux délire

J’erre à travers mon beau Paris

Sans avoir le cœur d’y mourir.

 

C’est ainsi, toujours l’errance d’un autre m’envahit, confident secret. Avec Apollinaire, départs, retours, vagabondages, promenades, traversées des ponts, des « villes qui tout le jour tournaient », parcours de chemins, rencontre de hasards. Toute l’Europe chante, là, toutes les villes, toutes les campagnes fleuries. Alcools m’est errance, aléatoire, incertaine, transitant au gré des vents, ralentie, bousculée, interrompue, reprise, rythmée comme l’esquisse d’une mélodie de Monk.

Pourquoi faut-il donc que l’errance chemine avec l’erreur, marquée du sceau du négatif ? Démarche dépourvue de méthode, dira le professeur ! Errance du discours digressif. Oui, j’erre, je ne sais pas toujours où je vais, me perds souvent, au milieu d’une phrase qui me retarde, m’égare, me prive du sens qu’il faudrait toujours tracer, maîtriser, mais qu’y puis-je ?.... Il existe des errances intimes, celles des flottements indéterminés, des humeurs et des volontés changeantes, dans lesquelles se complaisent nos paresses.

Pourtant, l’errance n’est pas toujours subie : on la choisit pour le charme des surprises, elle veut se laisser étonner, suscitant d’inoubliables rencontres. Bonheur des rêveries libérées, arrachées aux ornières, aux routes déjà tracées. Parfois, elle suit la côte, sans autre pôle, heureuse de ses stations inattendues s’écartant des horizons stables et nécessaires. L’errance intérieure, je la voudrais, méditative, comme remède aux ankyloses des enracinements, heureuse de ses voyages. Comment, pour un temps, ne pas consentir à l’errance, ne pas vouloir dénouer les liens de l’asservissement vers de nouveaux séjours, où trouver le refuge salutaire, fût-il provisoire, avant d’autres aventures ?

***

Infatigable marcheur, « Juif Errant, voyageur heureux et sans but ! […] Qu’ils sont fous ceux qui vous représentent comme un aventurier hâve et hanté de remords. » Apollinaire, encore...

 

 

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