Abécédaire

 

 
Agape(s) n° 2
 
 


Boris Verberk

23/09/2017

 

 

« Je vais peut-être avoir l’air bête, mais qu’est-ce que c’est au juste une obole ?

— C’est un peu comme une agape. »

 

L’agape est un repas.

Un repas qui est une scène répétée avec soin depuis les débuts du christianisme. C’est le repas des premiers fidèles, celui de l’eucharistie.

C’est un repas dont on ne peut pas profiter seul. Il n’y a agape que s’il y a partage. C’est d’ailleurs ce qui fait que l’agape désigne aussi un repas qu’on donne à ceux qui en ont besoin. On reconnait là le glissement sémantique qui a été sensiblement le même pour l’obole.

 

Pourtant, quelque chose résiste dans le souvenir de ce dialogue. Il y a encore du rire quand j’y pense, alors que l’analogie se tient tout à fait. Toutefois, le décalage entre les deux mots n’est pas seulement dans la spécificité plus grande encore du second, qui éclaire peu au premier abord. Ce n’est pas le même don qui est en jeu.

 

Depuis ce dialogue entendu il y a presque longtemps, je navigue en eaux troubles avec le sentiment que mon rire d’alors cache quelque chose.

 

Souvenirs de repas : repas entre amis, dîners aux chandelles, repas de famille, buffets en toutes circonstances, repas partagé dans une paroisse, repas de bienvenue, d’adieu, de grande occasion.

 

Dans l’obole, il y a quelque chose qu’on jette – au bûcher, au mendiant. Ce don marque une séparation, quand il ne conjure pas. C’est un sacrifice.

Après l’agape, on a gagné plus que d’avoir donné. Un ventre plein, des joues rouges, des mots.

Finalement, peut-être que c’est là ce qui marque la différence. L’obole, je l’imagine dans le silence gêné qui suit une supplique dans le métro ou le recueillement des funérailles. L’agape, elle, ne se passe pas de mot, elle pousse à la discussion.

 

L’agapê, que mon dictionnaire me demande de ne surtout pas confondre avec l’agape, signifie l’amour spirituel, celui de Dieu qui ne demande rien en retour. En effet, l’agape est le partage de la chaire, et pervers que je suis, je l’imagine gargantuesque. Pourtant, dans ce don qui s’abandonne dans le lien qu’il crée, je trouve qu’il y a bien plus de similitude que d’opposition. L’agape semble dire et signifier l’agapê, en être la métaphore.