Abécédaire
Sonia Velazquez
06/02/2016
Rien de plus banal, et pourtant paradoxal, qu’un parc industriel : le rêve bucolique d’un espace éloigné des affaires et des préoccupations politiques ici absurdement marié au rêve moderne d’une économie de la production à grande échelle. Que penserait-il, Tityre, flûtiste amoureux plutôt négligent (lentus), de cette nouvelle industrie ?
Pour les bergers littéraires d’antan, voués à l’idéal de l’otium, l’industrie est avant tout savoir-faire : la création des outils simples bien que beaux et délicats — des flûtes, des coupes de hêtre sculptées à la main et des paniers — mais aussi des chansons qui feront écho dans les bois et des poèmes taillés sur l’écorce des arbres. Ces objets se livrent à une économie de don et de reconnaissance mutuelle. Même l’occupation principale des bergers, la plainte amoureuse, participe à l’industrie, cette fois au sens de la résolution ; c’est-à-dire, l’industrie comme volonté d’action, dessein d’intrigues avec un but précis. L’industrie des amants se voit dans l’imagination parfois baroque, nécessaire pour créer des occasions d’être ensemble ou pour produire de la jalousie dans le cœur de la bien-aimée.
Ni la main ni la volonté ne jouent aucun rôle dans l’industrie qui réside dans des parcs en béton. Anonymes, les hommes demeurant dans ces parcs ne sont plus des créateurs quoiqu’ils produisent. Industrieux, nous sommes devenus diligents sans avoir gardé un dessein ou une finalité propre. Nos parcs industriels ne sont finalement ni « parc » ni « industriel ».