Abécédaire
Anne Régent-Susini
09/01/2016
Pauvre faribole, jugée si sévèrement par les dictionnaires anciens et présents : « folies, contes en l’air », « propos vain et frivole », « propos sans valeur ». Et que dire de la pesanteur de son probable étymon : « falourde, 1. Grosses bûches ; 2. Tromperie » ?
Ce n’est pas, pourtant, ce que le mot m’évoque. Car pour moi s’il y a mensonge, il semble sans conséquence : la faribole est volontiers frivole, il y a du jeu dans cette fable. Fariboler, puisqu’il paraît que le verbe existe, c’est fabuler, et pourquoi pas faire rire, voire faire rigoler : c’est l’obole du fou, le cadeau lancé à la légère pour que se poursuive l’échange avec un auditoire peut-être complice, qui veut bien croire à ces folies pourvu que l’échange ne s’arrête pas.
Faribole, fariboles : si les fariboles ne sont guère solitaires, si elles se suivent en farandoles, c’est peut-être justement pour cela, parce que c’est moins leur contenu qui importe que la continuité du dialogue, par delà vérité et mensonge, dans la zone franche (paradoxalement) de la fiction, dans la complicité créatrice de la non-adhésion au réel – en quoi la faribole m’amuse bien plus que le small talk, qui nous enferme dans la prose des jours.
Non, décidément, fariboler n’est pas Tartuffier ; Madame Pernelle a choisi son camp (« Là jamais on n'entend de pieuses paroles ; Ce sont propos oisifs, chansons et fariboles »), j’ai choisi le mien.