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Saynète n° 104

 

 

On ne parlait pas de politique. On parlait de la littérature. Ramon Fernandez parlait de Balzac. On l'aurait écouté jusqu'à la fin des nuits. Il parlait avec un savoir presque tout à fait oublié dont il devait ne rester que presque rien de tout à fait vérifiable. Il donnait peu d'informations, plutôt des avis. Il parlait de Balzac comme il l'eût fait de lui-même, comme s'il eût essayé une fois d'être lui aussi cela, Balzac. Ramon Fernandez avait une civilité sublime jusque dans le savoir, une façon à la fois essentielle et transparente de se servir de la connaissance sans jamais en faire ressentir l'obligation, le poids. C'était quelqu'un de sincère. C'était toujours une fête de le rencontrer dans la rue, au café, il était heureux de vous voir et c'était vrai, il vous saluait dans le plaisir. Bonjour vous allez bien ? Cela, à l'anglaise, sans virgule, dans un rire et durant le temps de ce rire la plaisanterie devenait la guerre elle-même ainsi que toute souffrance obligée qui découlait d'elle, la Résistance comme la Collaboration, la faim comme le froid, le martyr comme l'infamie.

Marguerite Duras, L'Amant, Paris, Minuit, 1984, p. 84-85.

 
 

Transitions

02/11/2019

 

Chaque mois, un même texte sera commenté par au moins deux auteurs. Nous mettrons en ligne le texte à commenter un mois avant la publication de ces saynètes jumelles (ou triplées, quadruplées, etc.) afin de susciter de l’émulation ! Si quelqu’un désire écrire une saynète à partir de ce texte, qu’il n’hésite donc pas à se manifester. L’idée est que le dialogue puisse se poursuivre, sous une forme ou une autre, après la publication de ces saynètes.

Le mois prochain, Boris Verberk et moi-même - peut-être d'autres - commenterons cet extrait de L'Amant de Duras.

N’hésitez pas à vous joindre à nous !

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