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Hélène Merlin-Kajman

08 décembre 2012

 

Echos d'enfances

 

La semaine dernière, dans le préambule du texte de Gérald Sfez consacré aux réflexions que la théorie winnicottienne de l’objet transitionnel a inspirées à Jean-François Lyotard, j’avouais ne pas comprendre pourquoi, selon ce dernier, « [c]’est nous adultes qui nous rendons fous pour rentrer en rapport avec l’enfance. » Gérald Sfez nous propose de l’écouter avec cette autre phrase, tirée de Lectures d'enfance (Paris, Galilée, 1991) : « Baptisons-la infantia, ce qui ne se parle pas. Une enfance qui n'est pas un âge de la vie et qui ne passe pas. Elle hante le discours. [...] Si l'enfance demeure chez elle, ce n'est pas quoique mais parce qu'elle loge chez l'adulte. »

L’enfance, celle qui ne passe pas, n'est pas une transition : mais parce qu’elle hante le discours, c'est par elle que la littérature peut devenir objet transitionnel. Comme la lettre qu’écrit et que relit Mathias Ecoeur dans l’exergue qu’il consacre, cette semaine, à un fragment de Barthes ?

Je la mets en écho, cette phrase de Jean-François Lyotard, avec l’inquiétude qu’exprime Xavier Garnier dans sa réponse à notre questionnaire : « Une chose que je redoute particulièrement avec la littérature, [...] c'est le côté "hypercultivé" des littéraires. Il me semble que nous gagnerions beaucoup à montrer nos failles, nos ignorances, nos incompétences. »

Nulle enfance ni espace transitionnel, certes, sans ces failles. Sans doute en discuterons-nous plus longuement avec Xavier Garnier lundi prochain, lors du séminaire de Transitions, où nous le rencontrerons pour discuter avec lui de l’un de ses articles consacré à la question de l’espace littéraire. Les séances sont ouvertes !

Vous le savez tous, Archimède a crié « Eurêka » il y a fort longtemps à Syracuse en sortant brusquement de sa baignoire et courant nu dans les rues de la cité grecque. Il avait vingt-deux ans - mais oui ! Pierre-François Berger y était – autre enfance - mais oui... Et il nous raconte quel abandon naïf (quelle proximité à la naissance, quel état d’apesanteur en une baignoire) sont nécessaires à une découverte aussi abstraite – comme toutes celles qui portent sur le monde sans nous, et qui ont besoin du seul langage qui sache le dire : la mathématique.

« Baptisons-la infantia, ce qui ne se parle pas [...] Elle hante le discours... »

 

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