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Hélène Merlin-Kajman

16 novembre 2013

 

« Nous sommes tous des singes inaboutis »

 

Émerveillement des transitions : les unes exactes, et c’est la physique, quoiqu’elle fasse les yeux doux aux métaphores ; les autres inexactes, et c’est la littérature, immature, qui écoute celles des sciences à travers le prisme des métaphores... Le tout fait un dialogue passionnant avec Sébastien Balibar...

Cette semaine, la réponse de Laurent-Alain Carceles à notre questionnaire sur la littérature nous offre une nouvelle formule pour expliquer que certaines oeuvres puissent traverser les siècles : « Elles laissent en suspens des questions auxquelles nous cherchons encore à répondre (et chercherons toujours) ».

Ces jours-ci, des phrases en écho me reviennent en mémoire : « Je suis un vieil animal prématuré et pourtant il faut encore que je me finisse. Je ne suis ni fait, mais à faire ? »

La prosopopée du néotène écrite par Alain Prochiantz dans La Génisse et le Pythagoricien (en collaboration avec Jean-François Peyret) m’a fait rire quand je l’ai lue pour la première fois [1]. Un rire très joyeux, je précise : « Nous sommes tous des singes inaboutis ». Ouf ! Quelle chance !

Aujourd’hui, j’ai envie de sortir dans les rues pour la clamer partout en essayant de ne pas quitter cette gaieté vraiment joyeuse, dans l’espoir un peu fou de la communiquer. Sortir indignée, sortir en colère, mais rester joyeuse : « Moi, le néotène, je me trouve donc fondamentalement placé dans la position d’avoir à m’arranger comme je peux avec l’irrémédiable folie d’une espèce jetée dans le monde sans pouvoir l’habiter ».

Privilégier la figure de la transition, c’est penser l’histoire comme un métissage sans fin. C’est accepter résolument cette « irrémédiable folie » de notre espèce afin d’œuvrer non moins résolument à ce qu’elle soit moins folle et que le monde soit plus habitable.

« Néotène : Je suis un vieil animal prématuré, un sous-singe, une erreur de la nature [...] Vous savez dans quel état j’étais le jour de ma naissance. [...] je ne savais même pas ramper. Et d’une dépendance à ma mère ! Je n’avais même pas de dent (de lait). Né édenté ».

« Aujourd’hui, après des détours, je suis enseignant en français au collège. Et les détours ne sont pas terminés », nous confie encore Laurent-Alain Carceles.

Et Gilbert Cabasso, sur une citation de Musil, évoque « des heurts à peine perceptibles d’où pourrait naître quelque chose de neuf ».

 
 

[1] Jean-François Peyret, Alain Prochiantz, La Génisse et le Pythagoricien. Traité des formes I, Paris, Odile Jacob, 2002, p. 157-161.

 

 

 

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