Hélène Merlin-Kajman

11 janvier 2014

 

Tshanyang Gyatsho

 

Je parlais d’amitié la semaine dernière à propos des réponses à notre questionnaire sur la littérature - peut-être pas d’absolument toutes, mais de la plupart de celles que nous publions, en raison de la confiance générale dont elles témoignent. J’appelle confiance la marque singulière de chacune. Béatrice, qui écrit sans hésiter qu’elle aime la littérature, n’aime pas en revanche raconter des histoires, dire des comptines, des bons mots, des proverbes : « Je ne suis pas très joyeuse et mon imaginaire est limité. »

Ce dont par là, tous ensemble, nous donnons la preuve me semble-t-il, c’est qu’il est possible de détourner une forme aussi pauvre et contrainte qu’un questionnaire, et d’échapper au « sondage », c’est-à-dire au formatage d’opinion, pour faire geste ensemble : comme on esquisse un pas de côté, un pas de danse.

Mais est-ce pour protéger cette liberté de mouvement que tant de réponses portent le masque d’un pseudonyme ? Il faudra penser à interroger cette question du pseudonyme dans le cadre de notre réflexion sur la civilité.

Revenons au motif de l’amitié : c’est Santiago Amigorena qui l’introduisait la semaine dernière. Alors que son dernier récit, Des jours que je n’ai pas oubliés, vient de paraître chez POL, nous publions la troisième et dernière partie de son entretien avec Mathilde Faugère et Brice Tabeling, dans le cadre de notre réflexion sur « Trop vrai ». L’écrivain noue son écriture aux noms réels des lieux, des liens, des rencontres, non sans « défaites » et déchirements. La liberté, ici, est sans pseudos. Elle se conjugue avec une interrogation sur la beauté : littérature, une mystique sans foi ?

L’exergue aussi est une forme amicale, de cette amitié ouverte qui devient politique par le possible qu’elle dessine : cette semaine, Yunfei Baifait résonner, transitionnelle, la voix du poète Tshanyang Gyatsho, sixième Dalaï-Lama. Un immense merci...

Enfin, écrites dans le cadre du séminaire « Critique sentimentale », les remarques de Patrick Hochart évoquent le sourd malaise que fait naître la lecture du Bleu du ciel de Bataille : à lire en écho, qui sait, avec le moment où Santiago Amigorena polémique avec Georges Didi-Huberman...