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Hélène Merlin-Kajman

08 février 2014

 

Comptine et barbarie

 

Jérôme Gilard ajoute une réponse à celles que notre questionnaire sur la littérature propose à la question « pourquoi lisez-vous ? » : « Parce que c’est très lié à l’amour : du monde et des êtres qui le peuplent ».

Il aime raconter des histoires, dire des proverbes, faire des jeux de mots « pour le plaisir de jouer avec la langue avec des amis », mais pas dire des comptines.

Il n’est pas le seul à ne jamais répondre « oui » à cette question. A la vérité, elle est très mal posée. Qui donc aime dire des comptines, à part les enfants, à part aux enfants ? L’amour des comptines se pratique uniquement à certains moments de la vie. La comptine, c’est peut-être par excellence le doudou verbal : son plaisir reste ensuite comme une couleur et un bonheur habitant le langage secrètement ; il émigre, il se déplace, il irradie la poésie, le récit, l’anecdote, le calembour...

Il faudra peut-être un jour essayer de faire une typologie des phénomènes transitionnels, de systématiser ce que nous recueillons sous ce terme, faire une sorte de pause, ou de bilan. Qu’en pensez-vous ?

Que pensez-vous de « Juste » et de son côté « kaléidoscope », magie comprise, du moins, c’est ce que nous espérons ? Cette semaine, vous y trouverez de nouveaux tableaux d’Henri Ekman. Il y a quelque chose de naissant dans sa peinture. Naissant ou renaissant – comme après une catastrophe.

Que pensez-vous des « Exergues » ? Celui de cette semaine, de Gilbert Cabasso sur une phrase transitionnelle de Wim Wenders se conjugue à un article, toujours de Gilbert Cabasso, sur l’oeuvre entière du cinéaste.

Transitions pourrait-il être un fourre-tout ?

Bien sûr que non : pas un fourre-tout ! Un lieu pour ce qui re-naît de la sorte : timidement, sauvagement, obstinément, naïvement – mais certainement pas béatement. Un peu à la manière (sans la table rase, sans la déconsidération du temps) dont Benjamin, dans « Expérience et pauvreté », décrivait le barbare : celui qui « crie comme un nouveau-né dans les langes sales de cette époque » et que sa pauvreté en expérience « amène à recommencer au début, à reprendre à zéro, à se débrouiller avec peu, à construire avec presque rien »...

Ce que je veux dire, c'est que pour nous, la culture n'est pas un socle, pas une sécurité. C'est un tremplin, un pari qui n'écarte nulle maladresse, nulle impropriété, nul tâtonnement – « parce que c’est très lié à l’amour : du monde et des êtres qui le peuplent ».

 

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