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Hélène Merlin-Kajman

15 mars 2014

 

Réponses à l'horizon

 

A la fin de l’article où il défendait la catégorie anglo-saxonne « early modern » pour désigner « cette période d’angoisse et d’ambivalence européenne (1550-1700) qui vit la prédominance du spectacle théâtral comme la forme de représentation la mieux adaptée pour refléter les conflits sociaux, les angoisses sexuelles et politiques », Mitchell Greenberg interpellait les « lecteurs français de Transitions » : « J’attends avec impatience leurs commentaires ». Dans une réponse intitulée « Early modern (or not) ? », Lise Forment, Sarah Nancy, Anne Régent-Susini et Brice Tabeling discutent ici la « conception tout à fait personnelle » que le grand spécialiste nord-américain du théâtre du XVIIe siècle se fait de cette « période pivot » de la « pré-modernité ».

Le débat est lancé. Chacun peut s’y inviter – et pas seulement dix-septiémiste, tant les enjeux théoriques se révèlent, à lire les auteurs, dépasser la question d’une période pour engager celle de toute périodisation littéraire.

Mahu nous confie : « Un livre a sauvé ma vie », mais se dérobe en plaisantant aux questions finales qui l’identifieraient un peu. Sa réponse à notre questionnaire sur la littérature n’en est pas moins pleine de l’évidence de sa présence – et je songe à la phrase de Mallarmé citée la semaine dernière pour définir la littérature : « tout écrit dès lors que quelqu’un s’y signifie ».

« Un livre » : un roman ? L’exergue de cette semaine porte sur une phrase étonnante de Mme de Staël, toute winnicottienne, qui définit le roman comme « transition entre la vie réelle et la vie imaginaire ». Presque trop limpide, selon le mot de Brice Tabeling !

Mais ce qui est certain, c’est que, exergue après exergue, questionnaire après questionnaire, analyse après analyse, texte ou image après texte ou image, notre propre va-et-vient entre littérature et « monde réel » (ou plutôt, notre façon de redistribuer autrement la vieille opposition entre vie et littérature, et plus généralement réalité et imaginaire) dégage de mieux en mieux son horizon : oui, une certaine manière de vivre, un certain type de lien social voire de rapports sociaux, se soutiennent d’un certain type de contact avec l’art. Nous l’appelons « transitionnel », sans préjuger d’autres noms possibles, d’autant que d’autres types de contact demanderaient d’autres analyses et peut-être d’autres noms.

Nulle mythification ici. Au contraire : la mesure en acte que la littérature (et l’art) intéresse, à tous ses degrés possibles (et pas seulement le second ou le troisième), notre façon d’être au monde.

C’est aussi ce que la réflexion menée par le séminaire de Patrick Hochart, dont nous publions ici la note de lecture concernant Andromaque d’Euripide, et de Pierre Pachet explorent sans relâche ; et c’est enfin ce que les Dreamscapes de Mary Shaw nous font si intensément éprouver.

Celui d’aujourd’hui s’ouvre sur ces mots : « the escape through the high back door ».

 

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