Juste une fable n° 3

 

 Trope n° 2

 

 




La cigale et la fourmi

Helio Milner

11/11/2011

 Le monde est bien assez confus pour une fable,
            Et j’invente un enfant à qui dire demain
            La fable de la cigale et de la fourmi.
               Je ferai d’abord venir la cigale.
                        Ce sera le plein été
            Et je lui ferai sentir, à l’enfant, toute la joie de l’été,
            Le ciel bleu tout fiévreux et tout tremblant d’espoir
            Le soleil à ne surtout pas regarder fixement,
            Et le vacarme enivrant des cigales
            Qu’on entend même derrière les persiennes fermées,
            Même dans la buanderie où les draps sentent la lavande.
            Et du balcon de la grande barre qui ne voit pas la mer aussi,
                                   On l’entend.
            En somme, tout le monde l’entend et sait que c’est l’été,
            Le soleil, le ciel ardent, la peau chaude et nue,
            Et les fruits déjà qu’on commence à manger.
            Et l’on sait que le temps se pose et ralentit les pas,
            Chacun n’en revenant pas de l’assourdissant concert
                         Affolant l’ouïe, exténuant l’air.
                         Et pendant que la cigale s’égosille,
            Je montrerai à l’enfant, à l’ombre d’un talus, la fourmilière affairée,
            Car si l’affaire de la cigale est de chanter,
            L’affaire de la fourmi, elle, est de s’affairer.
            Nous regarderons les fourmis inlassablement porter
                         Leurs charges colossales,
            Et verrons comment plusieurs accourent au secours d’une autre,
            Nous le verrons bien car il faudrait être aveugle pour ne pas le voir,
            Et je le laisserai rêver, fasciné, devant ces innombrables fourmis
                         Dans le chant innombrable des cigales.
            Arrivera l’hiver. La cigale perd son chant.
            La fourmi s’apprête à fermer les rideaux
            Sur des réserves suffisantes pour plein d’hivers.
            Cigale nue, cigale sans maison, où iras-tu ?
            - Je connais la suite, interrompra l’enfant.
                         La fourmi n’est pas prêteuse,
                         C’est là son moindre défaut !
            - En a-t-elle beaucoup d’autres ? demanderai-je à l’enfant.
                         - Elle ne sait pas chanter !
            - Elle ne sait pas danser non plus, dirai-je alors à l’enfant.
            - Et la cigale ? La cigale, est-ce qu’elle sait danser ?
            - Mais non, elle non plus, elle ne sait pas danser !
            Nous rirons alors à gorge déployée,
                         Surtout quand j’aurai avoué
            Que moi non plus je ne sais pas danser.
            - Apprends-moi à danser, dira l’enfant rieur.
            - Mais oui, répondrai-je, pris dans son rire.
                         Mais oui, bien volontiers.
            Je mettrai une musique tzigane qui nous enivre,
            Et nous danserons follement en nous égosillant,
                         Eh bien, dansez maintenant,
                         Dansez maintenant,
                         Dansez maintenant !