Juste un poème n° 7

 

 



 

Instants n° 2

 

 


Sebastian Amigorena

04/05/2013

                                  
                                                 

 

 

 

Les flammes aiment le papier avec passion. Elles le dévorent de colère, se colorent de sa matière, brillent de sa douleur. Quand elles en ont fini, il ne reste plus qu’une fine pellicule noire, froide de carbone et d’encre, fragile, qui flotte puis cède sous un souffle.

 

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Les vagues sont les prolongements apparents de forces sous-marines. Collines animées, en bon ordre, elles avancent par rangées vers les rives. Et soudain, excitées d’approcher, leurs crêtes s’irisent d'écumes pétillantes, qui impatientes s’enroulent vers l’avant entrainant un fin feuillet de leur propre substance. Celui-ci, au contact de la base avant de la vague forme une cavité cylindrique qui progresse latéralement et qui pour un temps, transforme les ondes en canules translucides. L’intérieur de ces tubes, espaces entourés d’eau mobile, est un lieu hors du temps. La lumière y est filtrée par des flots écumants. Assourdis par un bruit rugissant, on y reste un instant infini. Puis on plonge dans l’eau, entraînés, ballotés, malmenés par des flots en furie, qui nous déposent enfin, essoufflés, sur le sable mouillé.

 

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Le sable a une relation passionnée avec la mer et le vent. Elle le crée, il le disperse. Son comportement est déterminé par les unités qui le composent : les grains de sable. Ceux-ci sont liés entre eux par leur nature minérale et par les lois physiques auxquelles ils obéissent sans recours. Sec, le sable invente des déplacements précipités mais d'une lenteur contrôlée, suivis de nouveaux équilibres instables. Ces mouvements ont des causes externes, le vent, ma main... Le sable piétiné forme des monticules abrupts, aux faces plates, qui résultent de glissements catastrophiques et qui aiment jouer avec la lumière. Laissé à lui-même, aux forces involontaires qu’il subit (vent ou vagues), le sable s'organise selon des règles surprenantes, en ondes d'amas. Le sable révèle à nos yeux des forces invisibles qu'il interprète comme une partition de musique. Les yeux fermés, sous la mer, un jour de vagues douces, vous entendrez peut-être son chant désespéré.

 

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Le vent est peut-être la force naturelle la plus incompréhensible. Violent et doux, il est fait de mouvement et de distance, de bruit et de silence. Au-dessus des collines désolées, des montagnes glacées, il souffle sans cesse. Le vent annonce ces terres rares où nous errons parfois, vagabonds aux limites de l’inconnu. Il est notre frontière lointaine, notre horizon familier. Il emporte des parties de nous-mêmes, fines poussières de notre âme, pour les déposer au loin. Auprès de toi. 

 

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Les nuages nous séparent du ciel, nous cachent l’au-delà. Paquets de gaz colorés, ils s’ennuient en silence. Leurs formes obéissent à des règles étranges, dont la part liée à la chimie et à la magie céleste est difficile à appréhender. Brillance, rondeurs, consistances reflètent leur nature vaporeuse. Leurs parfums sont obsédants, senteurs de jardin de rêves où l’on revient sans cesse.

 

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Les rochers sont les frères ennemis des nuages. Lourdeur contre légèreté, torpeur contre finesse. Ils sont indéformables. À la fois dérobés et apparents, familiers et inquiétants. Tous les rochers sont issus d'un aïeul énorme, monstre géant qui vit dans les entrailles de la terre. Cette roche primordiale, fondatrice de notre planète, règne sur les minéraux depuis toujours. Elle est notre origine et notre devenir. Collines et montagnes sont les extrémités visibles de ses bras tentaculaires. Les tremblements de terre sont ses frémissements et les volcans ses soupirs. De ses veines ouvertes coulent intarissables de sombres larmes noires.

  

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L’herbe résiste, et plie sous le vent. Danse perpétuelle. Jeu sans fin. Et chaque aller-retour qu’un brin d'herbe fait dans le silence de la nuit, de chaque plaine, de chaque colline, de tous les prés de la terre, chaque aller-retour dessine un trait unique. Ces traits forment les lettres d’un livre sans fin, qui depuis toujours, sur la toile de la nuit, retrace sans relâche l’histoire de nos vies.