Trop vrai n° 07

 

Préambule

 Au XVIIe siècle, les réalités physiques crues, sauf quand elles entrent dans les parages de la Passion du Christ, sont généralement frappées d’indignité, et la hiérarchie des genres et des styles leur barre l’accès à la représentation tragique. Le « trop », ici, dès qu’il accompagne le corps, suscite le rire : le plaisir comme le déplaisir, s’ils s’éprouvent physiquement, exposent la « bête » en l’homme, la bassesse de la nature commune ; et ont la comédie ou les histoires comiques pour lieu de représentation.

  Mais la possibilité d’éprouver en première personne change ce très ancien partage. Les pseudo-mémoires de Courtilz de Sandras inventent un sujet-narrateur tellement éprouvé dans son particulier par l’arbitraire du pouvoir qu’il ne lui reste plus que la représentation-expression de ses sensations physiques extrêmes, que leur vérité paroxystique pour témoigner de lui-même. Ici, « trop vrai », c’est la trace scripturaire, la trace témoin, d’une expérience de désubjectivation, celle-là même qu’Hannah Arendt réputait étrangère au domaine public (à tout domaine public possible). Mais c’est aussi la trace témoin d’un domaine public devenu de pure apparence : la réalité partagée en commun se vide de toute substance en même temps que se révèle la vérité cachée et destructrice du pouvoir absolutiste.

   Ce que nous montre Carole Atem à propos des pseudo-mémoires de Courtilz de Sandras, c’est que la question de la traduction littéraire du trauma ne date pas d’hier, ni celle du témoignage : et que le « trop vrai » se signale, ici, comme ce que la vraisemblance d’un récit en première personne parvient à arracher à l’invraisemblance incommunicable du vécu pour l’adresser au lecteur en court-circuitant l’opposition entre la tragédie et la comédie.

H. M.-K.

Carole Atem est professeure agrégée de Lettres modernes et titulaire d'un doctorat de Lettres. Elle enseigne comme PRAG à l'Université  de Polynésie française. Elle est l'auteure des Mémoires apocryphes de Courtilz de Sandras (éditions du Panthéon, 2016) 

 

 

 


La prison du corps ou les formes du « trop vrai » dans les mémoires apocryphes de Courtilz de Sandras

 

 

Carole Atem

09/04/2016 

 

Ancien capitaine de cavalerie et mousquetaire de Louis XIV, Courtilz de Sandras commence en 1678 une carrière littéraire marquée par la pratique d’une grande diversité de formes scripturales. Outre de nombreuses « histoires », « annales », « nouvelles », « relations » ou « vies », le fécond polygraphe publie à partir de 1687 plusieurs romans en forme de mémoires fictifs, qui, dès son vivant, lui valent une certaine notoriété, en dépit de l’anonymat dont il s’entoure. Cette carrière d’écrivain, menée dans la clandestinité et doublée d’activités éditoriales illicites, conduit Courtilz à la Bastille entre 1693 et 1699[1]. Or l’un des motifs les plus obsédants de ses pseudo-mémoires est précisément le motif de la prison. Lorsque l’on sait que ces récits à la première personne, qui s’affichent comme des mémoires de soldats du Grand Siècle, mettent parfois à l’honneur des contemporains de Courtilz qui ont subi comme lui l’expérience de la prison[2], un constat s’impose : ces ouvrages entretiennent avec l’expérience vécue de l’auteur réel et avec celle des personnages historiques qu’ils mettent en scène des liens qui, à tout le moins, soulèvent le problème de l’incursion du vrai dans la fiction de l’écriture mémorialiste.

Malgré leurs efforts pour se faire une place dans la société, les héros de Courtilz sont souvent représentés comme des individus à la destinée inaccomplie, voire inexistante. Dans leur confrontation aux aléas de la vie de cour, le châtiment carcéral constitue une forme de déchéance paroxystique : par nature dénué de caractère spectaculaire, il consiste à rendre l’être invisible au monde, à l’effacer de la mosaïque d’objets offerts au regard public et, ainsi, à lui retirer son existence sociale. En évoquant les « réalités intra-carcérales » décrites par Courtilz, Jacques Berchtold parle justement de « realia spécifiquement soustraits à la visibilité du monde[3] ». Dans l’univers centripète de la cour, le regard du roi ou des ministres conditionne l’existence du courtisan. A contrario, l’enfermement équivaut métaphoriquement à l’annihilation pure et simple de l’individu. Cette suppression tragique de l’être est d’autant plus insupportable pour les héros de Courtilz qu’elle s’accompagne d’un sentiment d’injustice et d’arbitraire, au point de les conduire parfois au vertige de l’absurde. Mais les épisodes d’emprisonnement s’accompagnent aussi chez notre romancier d’une sur-expressivité du corps des personnages-narrateurs, qui semble alors suppléer à la parole et à la raison devenues déficientes et dysfonctionnelles : cette invasion de la réalité corporelle en réaction à la répression radicale du corps emprisonné mènerait-elle les pseudo-mémoires vers une forme délibérée de trop vrai, qui dépeindrait de manière ultra-réaliste les sévices subis par l’individu aux prises avec le pouvoir ? Dans quelle mesure l’irruption d’une réalité ostensiblement insoutenable du corps au sein de la fiction à la première personne participe-t-elle d’une dénonciation à mots couverts d’un régime autoritaire avec lequel le romancier a lui-même eu maille à partir durant sa carrière ?

L’hypothèse que nous souhaitons développer ici est que l’outrance d’un langage qui dit le déchirement du corps est directement liée à la critique violente par la plume d’un contemporain d’un système de pouvoir proprement diabolique[4]. Le sentiment de déréliction décrit par les narrateurs dans ces moments de crise physique et psychique – véritables moments de transition entre vie et mort, entre raison et déraison – provoque en contrepartie le basculement de l’écriture dans un espace de transgression, voire d’agression, où les images du corps meurtri dévoilent « des référents qui capturent notre sensibilité, notre imagination, notre liberté associative[5] ».

 

Mutisme du pouvoir, expression irrépressible du corps

 

Dans les Mémoires de M. de B***, dernier ouvrage en forme de pseudo-mémoires écrit par Courtilz[6], le héros est subitement jeté en prison alors qu’il est en faveur auprès de Richelieu, dont il est l’émissaire, et que rien ne laisse présager de son sort imminent. Ironie cruelle, le protagoniste, ignorant le contenu du billet que lui confie le cardinal, porte lui-même l’ordre d’emprisonnement dont il fait l’objet au gouverneur de la Bastille, qui lui annonce en retour sa mise aux arrêts ; le récit de cette scène est l’occasion pour Courtilz d’insister sur les répercussions somatiques d’une sanction vécue par B*** comme un drame infamant : « ayant dans ce moment perdu tout l’usage de mes sens, comme un homme que l’on aurait assommé à coups de massue, je tombai évanoui aux pieds de ce Gouverneur[7]. »

Le héros comprendra plus tard la cause de son incarcération : parce qu’il est resté seul l’espace d’un instant dans le cabinet du cardinal, Richelieu craint que son émissaire ait pris connaissance de documents d’une importance cruciale qu’il a négligemment laissés sur son bureau et décide de le faire enfermer sans délai, jusqu’à ce que l’éventuelle divulgation de leur contenu cesse de constituer une menace pour « le service de Sa Majesté[8] ». C’est par la répétition laconique de cette formule lapidaire que les représentants du pouvoir coupent court aux protestations du prisonnier. On voit alors se déployer autour du personnage un piège auquel il n’a aucune possibilité de se soustraire ; or la mise en branle de ce mécanisme tragique est sans rapport avec une quelconque faute du héros, puisque – comble de l’ironie – c’est Richelieu lui-même qui l’a mis en présence des fameux documents confidentiels, en le laissant patienter dans son cabinet. Comme c’est souvent le cas dans les pseudo-mémoires de Courtilz, le héros subit les conséquences de la négligence, de l’ingratitude voire de l’incompétence des ministres et des méthodes expéditives validées par le pouvoir[9]. Dégradé de son statut d’être autonome, l’individu est réduit au rang d’instrument par les détenteurs de l’autorité, qui se servent de lui comme d’un moyen d’action, le poussent comme un pion, le suppriment sans état d’âme et le dépouillent en définitive de sa qualité de personne.

Cette négation de l’individu pourtant utilisé comme individu, c’est-à-dire en dehors des liens de fidélité de type féodal, est symptomatique d’un nouveau système politique. Cette méthode de gouvernement suppose une stratégie de l’opacité, que pratiquent avec application les agents de l’autorité. Qu’elle porte sur Richelieu, sur Mazarin ou sur Louvois, la représentation des ministres mise en œuvre par Courtilz propose en ce sens une vision proprement machiavélique du pouvoir, dans laquelle l’art de la dissimulation est conçu comme l’un des fondements d’un mode efficace de gouvernement[10]. Dans la mésaventure angoissante de B***, la révélation a posteriori au héros et au lecteur des motifs de son incarcération éclaire d’un jour nouveau la scène qui précède directement son arrestation et autorise une relecture de ce passage sous l’angle du machiavélisme politique de Richelieu. De retour d’Allemagne, où il s’est fidèlement acquitté de la mission diplomatique que lui avait confiée le cardinal, B*** est reçu par Richelieu, qui lui demande des nouvelles de sa négociation. Alors que le héros fait le compte rendu de ses activités, Richelieu reçoit une brève visite de courtoisie de l’ambassadeur d’Angleterre, puis il s’absente rapidement pour le reconduire tandis que B***, qu’il a laissé dans son cabinet, y attend son retour ; « enfin, dit le narrateur, étant rentré dans son cabinet, je m’aperçus qu’en y mettant le pied il devint rouge comme de l’écarlate[11] ». Peut-être peut-on voir ici, de la part de Courtilz, un jeu de mots facétieux avec la pourpre cardinalice. Le narrateur évoque encore le « changement » qui affecte la physionomie du ministre, son ton « embarrassé », la « rêverie » dans laquelle il s’absorbe un instant. Mais la réaction du cardinal à cette crise de doute passagère s’oriente résolument vers une dissimulation stratégique et confirme le divorce de l’autorité et de la transparence : sans autre forme de dialogue, le ministre reconquiert par l’action et la duperie à la fois son empire sur lui-même et sa domination sur son subalterne, qu’il avait momentanément perdus en se retirant de l’espace hautement symbolique du cabinet, lieu de pouvoir, de secret et de contrôle par excellence.

(…) mais sa rêverie ne fut pas longue, et en étant sorti un moment après, comme il arrive à ceux qui après avoir rêvé un moment, se déterminent tout d’un coup à ce qu’ils doivent faire, il prit une plume et de l’encre, et écrivit un billet. (…) quand ce billet fut écrit, et qu’il eut mis le dessus, il se fit apporter une bougie pour le cacheter ; ce qui étant fait : De B… me dit-il, approchez-vous de moi, afin que je vous apprenne ce que vous devez faire de ce que je viens d’écrire. Je fis ce qu’il me disait, et m’ayant parlé à l’oreille, je sortis dans le même moment pour aller exécuter ses ordres[12].

Tout se passe, au niveau métaphorique, comme si la répression des émotions du ministre avait pour conséquence directe la somatisation de l’expérience vécue par B*** ; symboliquement, le cardinal dispose de la personne de son serviteur jusqu’à reverser sur l’individu contrôlé le malaise physique qui naît de sa propre violence sur lui-même. À l’aube du règne de Louis XIV, comme le dit Hélène Merlin-Kajman résumant les contributions d’un ouvrage collectif consacré aux émotions publiques, « la dissimulation devient “contenance impénétrable” et les décisions royales semblent ne traduire aucune émotion[13] », ce qui engendre une cascade de réactions psychosomatiques chez l’individu soumis à l’influence de cette autorité hermétique :

Plus encore, cette impassibilité apparente dont le roi donne l’exemple fait naître de nouvelles émotions : les mémorialistes racontent tous des épisodes où ils sont contraints à agir, à parler publiquement de façon radicalement contraire à ce que leur passion leur dicterait ; cette contrainte provoque en eux une émotion si violente que, rentrés chez eux, ils tombent malades dans leur particulier (...)[14]

À l’image du récit des véritables mémorialistes, dont l’écriture dévoile rétrospectivement au public l’émotion vécue jadis dans la sphère privée, le récit du narrateur des Mémoires de B*** donne à voir le conflit qui travaille en profondeur l’individu condamné aux silences du pouvoir, à travers la représentation de la défaillance morbide du corps, vécue par le héros dans le huis clos de la prison. Au silence du cardinal qui réprime ses émotions dans une forme d’autocensure machiavélique, le corps de B*** oppose une réponse violente, l’évanouissement étant alors la seule échappatoire à un trop-plein émotionnel aussi bien qu’à une douleur de la chair décrite comme trop vraie, conséquence réelle de brutalités fictives, ainsi que l’exprime la comparaison « comme un homme que l’on aurait assommé à coups de massue ». Parce qu’il est perçu comme la matérialisation d’une injustice qui condamne l’être au non être, l’univers de la prison est même assimilé à une succursale de l’enfer : au moment où B*** découvre sa cellule, « il [lui revient] à la mémoire ce qu’un fameux Poète dit des Enfers dans la description qu’il en fait[15] ».

 

Parole du corps et épuisement du langage

 

Cette image de l’enfer est avant tout induite, dans l’écriture de Courtilz, par l’introduction de l’absurde dans l’enchaînement des événements, comme le formule Jacques Berchtold, « selon un ordre contingent et aléatoire désormais privé de toute justification téléologique[16] ». En effet, le sentiment oppressant d’être confronté à une autorité désincarnée, au fonctionnement opaque et inopérant, est encore plus violent lorsque, comme dans les Mémoires de M. d’Artagnan, le héros est victime de l’absurdité tragique d’une mécanique judiciaire kafkaïenne avant l’heure. De retour d’une mission en Angleterre pour le compte de Mazarin, d’Artagnan est jeté en prison, sur les bases d’une accusation erronée par laquelle, dans la plus grande confusion et contre toute logique, il passe pour un espion du Prince de Condé. Certain d’être libéré à la minute où le cardinal apprendra la méprise, le mousquetaire ne se presse pas pour se faire reconnaître ; pour toute défense, il se borne à sommer le lieutenant criminel d’avertir Mazarin de son arrestation : « Je lui dis seulement qu’il fût annoncer à M. le Cardinal que j’étais là, qu’il était en peine de moi, ou que j’étais bien trompé, et qu’il l’en tirerait apparemment par cette nouvelle[17] ». Mais l’impossibilité dans laquelle il se trouve d’informer quiconque de son arrestation l’empêche de faire progresser sa situation ; son séjour se prolonge au-delà de toute mesure (« il y avait cinq semaines tout entières que j’étais dans cette prison[18] »), jusqu’à pousser le héros aux confins de la folie suicidaire :

(…) le matin s’étant encore passé comme la veille, c’est-à-dire sans que ce Magistrat[19] me vînt voir ; je fus tenté mille fois de me mettre la main sur moi-même, comme faisaient tous les jours quantité de désespérés, principalement dans cette maison. Le porte-clef me trouva la vue tout égarée quand il m’apporta à dîner. Ce fut cette fois-là qu’il pouvait aller dire au Gouverneur que j’étais devenu fol, puisque assurément si je ne l’étais pas encore, toujours était-il certain que je ne pouvais manquer de le devenir bientôt, pour peu que les choses restassent sur le même pied qu’elles étaient présentement. Je n’avais point soupé la veille. Je ne dînai point encore ce jour-là. C’eût été mettre du poison sur mon estomac, que de manger la moindre chose dans la situation où était mon esprit[20].

Ici encore, l’écrasement du personnage sous le poids d’un système dysfonctionnel se traduit dans la déchéance du corps, aggravée par le basculement de l’esprit dans l’insanité que lui impose comme seule référence une claustration infernale parce qu’injustifiée. Le motif de la prison revêt dans ce long épisode des pseudo-mémoires du capitaine des mousquetaires un caractère particulièrement angoissant, dans la mesure où il s’accompagne d’une mise en scène de l’échec inquiétant de toute communication, non seulement entre le prisonnier et le pouvoir, mais aussi à l’intérieur même de la structure judiciaire, dont les différents acteurs, incapables de se concerter efficacement, semblent inexistants. Il s’ensuit un enlisement incompréhensible d’une captivité injuste dont le caractère arbitraire est de plus en plus patent, et qui, comme le montre cette entrevue entre Mazarin et le lieutenant criminel, venu lui signaler la présence de d’Artagnan à la Bastille, découle directement de la défaillance du dialogue et de la déroute du verbe :

(…) M. le Cardinal eût cru sans difficulté qu’il extravaguait, si ce n’est que tout le reste de son discours était bien suivi, et qu’il ne paraissait venir que d’un homme de bon sens. Cependant ayant peine à accorder sa sagesse avec la parole qu’il venait de lâcher, il lui demanda ce que M. d’Artagnan avait de commun avec le prisonnier qu’il l’avait envoyé interroger, qu’il n’avait que faire de lui dire que M. d’Artagnan soutenait qu’il était innocent, puisqu’il en était bien persuadé, sans le rapport qu’il lui en faisait, qu’aussi ne s’agissait-il pas de cela, mais de savoir seulement si le prisonnier était un espion de M. le Prince.

Si M. le Cardinal avait cru à la parole que le Lieutenant Criminel lui avait dite qu’il y avait de l’extravagance à son fait, le Lieutenant Criminel crut de même que son Eminence n’était pas trop sage quand il l’entendait parler de la sorte. Il lui demanda si le prisonnier pouvait être coupable, et que je ne le fusse pas ; et l’ayant prié de lui expliquer cette énigme, M. le Cardinal le pria lui-même de lui vouloir dire ce que j’avais de commun avec ce prisonnier pour me mettre en jeu avec lui. C’était galimatias sur galimatias pour ce Magistrat qu’une parole comme celle-là. Ainsi étant bien aise de sortir tout d’un coup de l’embarras où il se trouvait, il lui demanda de lui donner un moment d’audience, et de lui vouloir répondre précisément par un oui ou par un non. M. le Cardinal lui répliqua qu’il n’avait qu’à parler, et qu’il lui répondrait comme il le souhaitait. Le Lieutenant criminel lui demanda alors s’il ne lui avait pas envoyé un mémoire de sa main pour se transporter à la Bastille, afin d’interroger un prisonnier qui y avait été amené d’Angleterre. M. le Cardinal lui répondit qu’oui, sur quoi le Magistrat reprenant la parole il le pria de lui dire comment il prétendait donc que le prisonnier fût coupable, et que je fusse innocent, puisque lui et moi n’étaient qu’une même chose[21].

À travers la pesanteur de cet échange laborieux, qu’accentuent les répétitions lexicales (le mot « prisonnier » est repris six fois, « coupable » et « innocent » deux fois chacun), le chiasme (« si M. le Cardinal avait cru à la parole que le Lieutenant Criminel lui avait dite qu’il y avait de l’extravagance à son fait, le Lieutenant Criminel crut de même que son Eminence n’était pas trop sage quand il l’entendait parler de la sorte ») et la lenteur de la progression dramatique, Courtilz donne à percevoir la difficulté de la communication et l’évanescence inquiétante de la vérité : le lecteur voit s’entrelacer les réseaux lexicaux de la parole (« discours », « parole » qui est répété quatre fois, « demanda » dont il y a aussi quatre occurrences, « interroger », « dire » répété trois fois, « soutenait », « rapport », « parler », « expliquer », « répondre », « répliqua », « prétendait ») et de la folie (« extravaguait / extravagance », « ayant peine à accorder sa sagesse avec la parole qu’il venait de lâcher », « le Lieutenant Criminel crut de même que son Eminence n’était pas trop sage »), le terme péjoratif de « galimatias[22] » assurant la jonction entre ces deux notions. Ironie suprême, ayant compris l’erreur commise en la personne de son fidèle serviteur, Mazarin lui-même finit par douter de l’innocence de d’Artagnan : au cours de sa mission en Angleterre, ce dernier est devenu l’amant d’une dame chez qui, pour la voir plus commodément, il s’est fait employer comme cuisinier ; c’est l’ambassadeur de France en Angleterre et rival de d’Artagnan auprès de cette dame qui, sans savoir qu’il s’agit de d’Artagnan, fait arrêter le faux cuisinier, croyant que ce chevalier déguisé en marmiton est un espion du Prince de Condé. Lorsqu’il apprend ces nouvelles, Mazarin est gagné par la suspicion : 

M. le Cardinal qui était l’homme le plus défiant qu’il y eût sur la terre, trouva ma mascarade si mauvaise, qu’il perdit tout d’un coup plus de la moitié de la bonne opinion qu’il avait eue jusque-là pour moi ; m’être fait cuisinier sans l’en avoir averti, et sans qu’il y eût eu aucune nécessité apparente, lui troubla la cervelle à un point qu’il crut que je pourrais bien m’être laissé gagner par M. le Prince. Il ne savait pas que l’amour et la débauche avaient eu un peu de part à ce déguisement[23].

L’enlisement de l’épisode carcéral qui s’ensuit aboutit à un doute généralisé et à une perte totale des références, l’identité même du héros étant l’objet de l’« énigme », selon le terme employé par le narrateur dans le récit de l’entrevue du cardinal et du lieutenant. L’espace de la prison devient ainsi le lieu symbolique où la parole, vidée de son sens, perd son pouvoir de dire la réalité. C’est alors dans les désordres du corps que s’exprime paradoxalement l’existence du prisonnier privé d’identité et relégué à l’inexistence : « je devins pâle comme un mort », « je me sentis saisi tout d’un coup comme si le sang se fût retiré de mes veines pour se venir loger auprès du cœur[24] », autant de manifestations physiques d’une déchéance d’abord morale (« je ne sais comment la tête ne me tourna point, tant je fus saisi de chagrin et d’inquiétude à un point que l’on ne saurait exprimer[25] »), engendrée par le sentiment aigu de l’injustice (« être enfermé entre quatre murailles comme un scélérat, moi qui me savais innocent, (...) était un traitement qui avait assez de quoi me fatiguer[26] »). L’échec du langage qui affecte la sphère du pouvoir, source de confusion et de division, est compensé par un autre langage : « l’efficace outil de ce parler vrai », comme le dit François Kerlouégan dans sa réflexion sur le trop vrai dans les portraits photographiques d’écrivains, « c’est le corps[27] ».

 

Le corps emprisonné, image trop vraie du sens pulvérisé

 

C’est dans les Mémoires de Messire Jean-Baptiste de La Fontaine[28] que le motif de la prison trouve sa réalisation la plus tragique. Le long récit de la captivité du héros, qui occupe les trois derniers livres de l’ouvrage[29], met l’accent sur la dégradation physique et la déchéance morbide qui conduisent progressivement le prisonnier vers son anéantissement inéluctable. Comme pour les autres personnages, le préjudice moral et le facteur psychologique, plus que les conditions insalubres de la détention, sont directement à l’origine de la destruction du corps. La Fontaine expose explicitement cette relation de cause à effet en ouverture du neuvième livre :

Le chagrin que j’avais de ma prison et de l’injustice qui m’était faite, avec mon peu de résignation à la volonté de Dieu, qui seule est capable de rendre léger un fardeau aussi pesant que celui que l’on porte dans le malheureux domicile où je suis ; le chagrin, dis-je, où j’étais me fit perdre d’abord l’appétit ; puis il me causa un tel épanchement de bile, que j’en devins tout jaune. Après cela j’enflai, et l’enflure augmentant de jour en jour, vint à un tel excès, qu’à peine pouvais-je passer par une porte, quoique naturellement je sois fort maigre et fort mince[30]

Ce mal fulgurant manque faire périr à plusieurs reprises le personnage (« [le] Médecin conclut que je n’en pouvais réchapper, et sur cet avis on me demanda si je voulais qu’on me fît venir un Confesseur[31] », « enfin étant revenu à moi à force de saignées et de remèdes, M. de Baisemaux, qui croyait que j’allais mourir, envoya chercher l’Aumônier de la maison[32] »), mais l’atteinte à l’intégrité physique du héros connaît son paroxysme dans les séquelles irréversibles que lui laisse une violente attaque d’apoplexie :

Le coup que je m’étais donné à la tête, me fit aussi beaucoup de mal, et il me forma, à l’endroit sur lequel j’étais tombé, un abcès, que je rendis par l’oreille. L’Apothicaire, qui continuait à me voir dit que ce serait ma guérison, et il ne se trompa pas, au moins si je puis appeler guérison, l’état où cette maladie m’a laissé : car je suis devenu paralytique de la moitié du corps (…)[33]

Dans cet épisode, la visée polémique de l’écriture de Courtilz s’exprime notamment par l’insistance sur la désinvolture cynique manifestée en la circonstance par le personnel pénitentiaire :

Lorsque le Porte-clefs vint pour desservir, il me trouva étendu sur le plancher, sans mouvement et même sans sentiment. Ce digne suppôt de la Bastille, fut si peu touché de ce spectacle, qu’il me laissa, et ressortit comme s’il ne se fût agi de rien d’extraordinaire, et dans la suite quand on voulut lui en faire quelque sorte de réprimande, il dit que c’est qu’il avait cru que je tombais du mal caduc[34].

D’une certaine manière, la démesure du châtiment immérité est intériorisée par le corps, qui devient lui-même prison, comme le suggère chez La Fontaine « l’enflure » incontrôlée d’un corps transformé en fardeau encombrant. Broyé physiquement et métaphoriquement par l’institution politique, le prisonnier sort définitivement diminué de cette expérience destructrice dont l’une des répercussions est l’aliénation du corps. On perçoit la valeur symbolique des maux du corps successivement infligés par Courtilz à son héros, notamment à travers le motif de la paralysie : dans la représentation d’un personnage privé de sa capacité de mouvement, le romancier donne à voir la toute-puissance du système carcéral.

Dans le cas de La Fontaine, toujours en prison à la fin du roman, le prolongement de cette expérience au-delà des limites du récit ne permet justement pas au personnage de sortir de l’univers carcéral. L’injustice criante du traitement auquel il est soumis renforce la dimension tragique de cette claustration présentée comme perpétuelle, et les protestations véhémentes du personnage reflètent l’iniquité de la sanction ordonnée par Louvois. Le héros, passablement scélérat par ailleurs, subit en effet pour seul châtiment de ses forfaits privés une punition d’ordre politique et public, paradoxalement motivée par un crime qu’il n’a pas commis[35] : alors qu’il vient de dévoiler à Louvois l’imminence d’un soulèvement des protestants de province, le brillant espion est secrètement désigné comme bouc émissaire par le ministre, soucieux d’étouffer dans l’œuf la conjuration fomentée par les huguenots. Louvois décide donc de faire arrêter La Fontaine, tout innocent soit-il, pour signifier aux insurgés que leur conspiration est éventée, ce qui le dispense d’attaquer de front les princes qui ont fait alliance avec les conjurés. Si le personnage, victime de la machination ministérielle, demeure incapable d’opérer une lecture lucide des événements qui le submergent, le narrateur a en revanche une conscience aiguë de ce que fut à ce moment la réalité de sa situation, comme le montrent les termes exprimant l’aveuglement et la crédulité du héros (« j’avoue que j’étais encore si aveuglé, que je ne m’apercevais pas que j’étais une malheureuse victime, qu’on voulait immoler pour le bien public[36] », « je fus donc toujours si simple, que de croire que c’était la multitude des affaires dont M. de Louvois était accablé, qui était cause de cet oubli[37] »), et comme le montre également l’alternance entre présent et passé (« je m’imagine qu’il [Louvois] avait résolu, plus que jamais, de me sacrifier pour l’intérêt public[38] ») : le premier renvoie au temps de l’écriture, de l’analyse et de la mise en ordre du souvenir, tandis que le second se rapporte à la perception du monde qu’a eue le personnage à l’époque des faits. Le narrateur analyse a posteriori les manœuvres stratégiques du ministre et le mécanisme du piège qui l’a mené sans recours possible à sa propre perte[39]. En martelant l’image du sacrifice et de l’immolation, doublée d’une description en forme d’hypotypose de l’affliction physique qui touche le personnage (« Mes amis voulurent s’informer de la cause de ma tristesse, mais je me sentais si accablé qu’à peine avais-je la force de leur répondre[40] »), l’écriture communique au lecteur un sentiment d’évidence, par lequel le spectacle de l’avilissement progressif du condamné s’impose violemment. Comme d’Artagnan, La Fontaine est victime du statut équivoque d’espion que le service des ministres l’a poussé à faire sien ; comme lui, il assistera à l’enlisement effrayant de sa situation, qui ne tarde pas à basculer dans l’absurde le plus déroutant. La disparition du dernier témoin de son innocence semble sceller son destin de prisonnier, alors même que, plusieurs années après les faits, la décision stratégique qui justifiait son incarcération a perdu toute raison d’être. Une fois de plus, le lecteur assiste à la transmutation du motif de la prison en espace de déconstruction du sens, véritable avatar de l’enfer.

Sur ces entrefaites M. de Louvois mourut subitement, et lorsque je le sus je crus être perdu, parce qu’il n’y avait que le Roi et lui qui eussent connaissance de quelle manière mon affaire s’était passée. En effet son Successeur aurait pu me traiter comme coupable, et en ce cas il était à craindre qu’une prison perpétuelle ne fût pour le moins ma punition[41].

Plus personne n’est en mesure de porter un jugement éclairé ou légitime sur le crime supposé du prisonnier. Cette élimination progressive des êtres de l’horizon judiciaire du héros métaphorise la dépersonnalisation du système institutionnel, la désincarnation des structures gouvernementales, dans une configuration du pouvoir désormais assumée par une autorité intangible dont la mécanique enrayée tend vers l’absurde. Or à travers la représentation du corps malade du prisonnier, Courtilz donne peut-être à voir, de façon symbolique, le paradoxe d’une monarchie absolue à la fois personnelle et profondément déshumanisée[42]. Le réalisme extrême dont use le romancier pour décrire le corps affaibli des prisonniers, corps-objet plutôt que corps vivant, produit d’un pouvoir sans âme, rejoint l’idée d’un corps politique mort à toute humanité.

 

Le corps écartelé

 

En effet, l’expressivité frappante d’un corps souffrant devenu réalité encombrante, envahissante, trop vraie, passe toujours chez Courtilz par l’image puissante d’une désunion de ce corps, déchirement physique qui renvoie selon nous, à travers la figure du prisonnier politique, à la division profonde de l’être pris dans les rets d’une structure politique inédite. Les mémoires de ces pseudo-héros anachroniques, en butte à l’inadaptation tragique de leur propre statut au sein d’une organisation étatique désormais centralisatrice, traduisent, à travers une rhétorique de l’échec, l’impossible cohérence du personnage et, par son biais, de la personne, soumise à une somme de tensions qui aboutissent à la pulvérisation de la figure obsolète du moi féodal. Dans Public et Littérature en France au XVIIe siècle, Hélène Merlin-Kajman analyse une série de notions dont la compréhension nous paraît déterminante pour l’étude des significations symboliques associées aux actes et aux gestes accomplis par les héros de Courtilz tout au long de leur parcours. En se fondant sur la conception de Montaigne, qui développe déjà une description « politique » de la structure de l’absolutisme « classique », la réflexion d’Hélène Merlin-Kajman met en évidence la dislocation interne de l’individu écartelé entre les exigences nouvelles du « public » et du « privé », dont elle définit, parallèlement aux notions de « société », de « particulier », de « communauté » et d’« État », l’essence et les implications sur la « personne » et sur ses relations aux différents types de groupes, successeurs de l’ancien « corps » politique.

À notre sens, c’est précisément cette « scission ontologique du public et du moi[43] » que donnent à voir les mémoires apocryphes de Courtilz, à travers la représentation d’un personnage incapable de se construire une place entre sa fonction auprès du ministre et le fil chaotique de sa destinée particulière, qui s’avèrent incompatibles. L’être incarne alors l’un des principaux lieux symboliques de cette séparation, qui dissocie l’individu privé de « l’État, machine dont les particuliers sont les objets et non plus corps dont ils étaient les membres mystiques[44] ». Les répercussions de cette bipartition nouvelle sur la cohérence intrinsèque de l’être sont multiples : elles comprennent, en premier lieu, une indépendance nettement marquée des domaines de pensée et d’action respectivement attachés à la sphère privée et à la sphère publique, indépendance qui, d’une part, fonde la légitimité de l’espace jusqu’alors inédit du privé tandis que, de l’autre, elle provoque une forme de déshumanisation de l’espace étatique, que cesse d’habiter l’âme individuelle[45].

Le processus de scission du particulier et du public aboutit au renforcement de l’État et à une libération virtuelle d’un espace du particulier, sur lequel à l’inverse l’État ne devrait pas avoir droit de regard. Autour du particulier, de sa progressive identification au moi, à l’individu, au for interne, au privé, on assistera à une reconstitution du (d’un) public, plus ou moins identique à la société (civile)[46].

Or le principe de juxtaposition narrative privilégié par Courtilz dans la composition des faux mémoires mime avec exactitude le va-et-vient de l’individu entre les deux espaces autonomes voire inconciliables qui se partagent – et partagent – désormais son être. Comme on le constate de façon récurrente dans ces ouvrages, la technique narrative du romancier repose sur une étrange étanchéité entre les parties pseudo-autobiographiques et les digressions impersonnelles consacrées à l’histoire collective, ce qui renforce l’impression d’un éclatement de l’individu et d’une incohérence entre les deux occurrences de son moi. Orphelin du corps politique disparu, fragment arraché à une unité obsolète, le particulier connaît, certes, la possibilité théorique d’un épanouissement à l’intérieur de la sphère privée et dans la coalescence d’individus particuliers que constitue la « société ». Mais la réalité vécue par le héros fictif des mémoires lui impose bien davantage l’expérience de sa propre division fondamentale, d’une aliénation métaphysique qui aboutit au cloisonnement irréversible des deux espaces du moi. Dans la position d’un espion de Mazarin puis dans le rôle « privé » de galant qu’il joue pour son propre compte, d’Artagnan incarne tour à tour deux personnages antinomiques dont l’écriture de Courtilz se charge de nous faire sentir la partition radicale. Pour mettre en scène cette discontinuité symbolique, l’écrivain multiplie les rencontres conflictuelles entre les deux aspects, public et privé, du héros, deux aspects dont il s’efforce de rendre perceptible l’incompatibilité ; à d’Artagnan qui, au cours d’une autre mission, combine à son activité officielle de négociateur les délassements de la galanterie, Mazarin rappellera vertement qu’« il n’avait pas cru [l]’envoyer à Bordeaux pour y faire l’amour, mais pour y faire les affaires de Sa Majesté[47] ». Dans ces conditions, comme le dit Hélène Merlin-Kajman, « la personne particulière ne participe pas de la personne publique, qui n’est d’ailleurs pas une personne, mais un personnage[48] » ; l’individu, sous le masque de sa figure « publique », remplit une charge qui ne se confond en aucune façon avec son essence profonde, dans un ensemble de cérémonies destinées à nourrir le paraître et non à construire l’être :

(…) le public – « la société publique » – n’est qu’un agencement de rôles et de fonctions, un théâtre dont les signes ne renvoient pas à un sens fondateur. Le moi qui se prête à une telle représentation doit s’y prêter à titre d’instrument et de signe, non dans son être[49].

Les héros de Courtilz de Sandras connaissent un état paroxystique de cette scission : celui du secret et de l’arbitraire. Dans un monde où règne l’éclatement des êtres, seul un corps malade, brisé, peut exprimer pleinement la tragédie de l’individu. Véritable relais d’une parole ministérielle vidée de son sens, le langage ultra-réaliste du corps emprisonné, devenu corps-prison, s’impose comme le dernier recours d’un discours satirique aux accents de témoignage. Les scènes de prison représentées par Courtilz de Sandras sont-elles trop vraies ? Si l’on admet que l’authenticité du récit de soi a pu transpirer dans les pseudo-mémoires de l’ancien prisonnier, c’est sans doute dans ces pages qu'elle affleure.

 

[1] Les Archives de la Bastille indiquent que Courtilz fut arrêté le 22 avril 1693 pour diffusion d’ouvrages illicites en France et publications effectuées sans privilège. (Bibliothèque de l’Arsenal, manuscrit 10.497, folio 129.)

[2] Le cas le plus frappant est sans doute celui de Jean-Baptiste de La Fontaine, héros des mémoires apocryphes éponymes, dont le séjour à la Bastille, attesté par les Archives de la prison, a été contemporain de celui de Courtilz.

[3] Jacques Berchtold, Les Prisons du Roman (XVIIe-XVIIIe siècle), Lectures plurielles et intertextuelles de « Guzman d’Alfarache » à « Jacques le fataliste », Genève, Droz, 2000, p. 470.

[4] Au sens étymologique du terme, en référence au grec diaballein, littéralement « diviser, séparer, désunir ».

[5] Selon les termes d’Hélène Merlin-Kajman en préambule de l’article de François Kerlouégan, « Quand le corps dit vrai » [en ligne], Transitions, rubrique « Intensités », Trop vrai n° 4.

[6] Mémoires de M. de B***, secrétaire de M. L. C. D. R., dans lesquels on y découvre la plus fine politique et les affaires les plus secrètes, qui se sont passées du règne de Louis le Juste, sous le Ministère de ce grand Cardinal ; et l’on y en voit quelqu’autres de curieuses et de singulières sous celui de Louis le Grand, Amsterdam, Henry Schetten, 1711.

[7] Ibid., tome II, pp. 466-467.

[8] Ibid., pp. 496 et 516.

[9] Ainsi que le dit René Démoris, les personnages de Courtilz sont généralement abusés par les représentants, aussi adroits que peu scrupuleux, d’un pouvoir qui subordonne l’individu à la raison d’État : « Indubitablement, les héros des mémoires sont l’objet d’une exploitation systématique par leurs maîtres immédiats, qui s’entendent à confisquer leurs capacités et à s’en réserver le profit, en jouant sur le besoin d’emploi qu’éprouvent leurs subalternes et leur manque de ressources. » (Le Roman à la première personne. Du Classicisme aux Lumières, Paris, Armand Colin, 1975, troisième partie, chapitre II, p. 220.)

[10] L’importance essentielle de la technique de la dissimulation dans une conception machiavélique du pouvoir a été expliquée par Michel Senellart dans Les Arts de gouverner. Du regimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, Éditions du Seuil, 1995.

[11] Mémoires de M. de B***, op. cit., tome II, p. 464.

[12] Ibid., pp. 465-466.

[13] Hélène Merlin-Kajman, Introduction, Littératures Classiques, n° 68, Les Émotions publiques et leurs langages à l’âge classique, Armand Colin, été 2009, p. 16.

[14] Ibid. Hélène Merlin-Kajman résume ici une contribution de Marc Hersant.

[15] Mémoires de M. de B***, op. cit., tome II, pp. 470-471.

[16] Jacques Berchtold, Les Prisons du Roman, op. cit., p. 513.

[17] Mémoires de M. d’Artagnan, Capitaine Lieutenant de la première Compagnie des Mousquetaires du Roi, contenant quantité de choses particulières et secrètes qui se sont passées sous le Règne de Louis le Grand, Cologne, Pierre Marteau, 1700, tome II, p. 437.

[18] Ibid., p. 440.

[19] Il s’agit du lieutenant criminel.

[20] Mémoires de M. d’Artagnan, op. cit., tome II, pp. 441.

[21] Ibid., pp. 437-438.

[22] « Discours obscur et embrouillé où on ne comprend rien », selon la définition de Furetière (Dictionnaire universel, La Haye et Rotterdam, Leers, 1690, tome II).

[23] Mémoires de M. d’Artagnan, op. cit., tome II, p. 439.

[24] Ibid., p. 442.

[25] Ibid., p. 441.

[26] Ibid., p. 440.

[27] « Quand le corps dit vrai. De quelques portraits photographiques d’écrivains au XIXe siècle » [en ligne], art. cit.

[28] Mémoires de Messire Jean-Baptiste de La Fontaine, Chevalier Seigneur de Savoie et de Fontenai, Brigadier et Inspecteur Général des armées du Roi, Cologne, Pierre Marteau, 1698.

[29] Sur les dix dont ce roman est composé.

[30] Mémoires de Messire Jean-Baptiste de La Fontaine, op. cit., Livre IX, pp. 399-400.

[31] Ibid., p. 400.

[32] Ibid., Livre X, pp. 458-459.

[33] Ibid., p. 459.

[34] Ibid., p. 456. Le « mal caduc » désigne familièrement la crise d’épilepsie.

[35] Comme le rappelle Jean Lombard en parlant de ce personnage, « les fautes qu’il a réellement commises, débauches, faux mariages, bigamie, sacrilège, demeurent impunies ». (Courtilz de Sandras et la crise du roman à la fin du grand siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1980, p. 460.)

[36] Mémoires de Messire Jean-Baptiste de La Fontaine, op. cit., Livre VII, pp. 369. Ici et dans les trois occurrences suivantes, c’est nous qui soulignons.

[37] Ibid., p. 356.

[38] Ibid., pp. 354-355.

[39] « La victime recompose elle-même dans sa prison le raisonnement qui impliquait son écrasement », dit Jacques Berchtold dans Les Prisons du Roman, op. cit., p. 490.

[40] Mémoires de Messire Jean-Baptiste de La Fontaine, op. cit., Livre VII, p. 369.

[41] Ibid., Livre X, p. 444.

[42] « Courtilz découvre avec une espèce d’horreur le caractère inhumain d’un système qui repose sur la délégation des pouvoirs et la transmission médiatisée des ordres. Le roi, responsable dernier, restant inaccessible, chacun de ses subalternes, à commencer par le ministre, le représente totalement ; or, à chacun de ces échelons peuvent intervenir l’erreur ou l’intérêt, que couvre le principe de l’obéissance aveugle. Ce visage de l’État, à la fois totalitaire et personnel, ouvre la voie à l’arbitraire. » (René Démoris, Le Roman à la première personne, op. cit., p. 223.)

[43] Public et Littérature en France au XVIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2004, chap. III, p. 91.

[44] Ibid., p. 89.

[45] « (...) le particulier n’est plus ce membre qui n’existait vraiment que dans l’essence du corps. Désormais, la décision de l’État réduit sa place dans le public à un rôle de figurant, tout en le laissant libre de son particulier. Dans les limites de la notion contradictoire de société, le sujet du roi se retrouve en revanche libre de ses relations particulières avec les autres particuliers. » (Ibid., p. 102.)

[46] Ibid., p. 89.

[47] Mémoires de M. d’Artagnan, op. cit., tome II, p. 238.

[48] Public et Littérature en France au XVIIe siècle, op. cit., chap. III, p. 91.

[49] Ibid.