Inédit

Liste noire, liste blanche

 

 

 

Préambule

 

Le 17 juin 2017, le mouvement Transitions organise à la Sorbonne une table ronde autour des relations entre trauma et littérature. La question du trauma a en effet très régulièrement parcouru notre réflexion : notion centrale dans les deux derniers ouvrages d’Hélène Merlin-Kajman Lire dans la gueule du loup et L'Animal ensorcelé, elle accompagne, à travers la pensée de Patrice Loraux, le mouvement depuis ses débuts. Gaspard Turin, qui fera partie des intervenants lors de cette table ronde, nous offre un aperçu de ce que peut être le « ‘travail’ littéraire du traumatique », et les processus de renversement qu’il peut opérer.

S’appuyant sur l’article de Patrice Loraux, « Les Disparus », qui s’interroge sur ce que peut être une bonne représentation du trauma, c’est-à-dire une représentation qui ne cherche ni à compenser la disparition ni à s’en faire la remontrance, Gaspard Turin examine des emplois, symétriquement inversés, d’un même dispositif représentationnel : la liste. Opposant ainsi l’usage de la liste par Edouard Drumont dans l’index de La France juive, et par les auteurs de l’après génocide juif – notamment chez Modiano dans Villa Triste et Dora Bruder –, il examine comment la liste, dont la spécificité est d’être « non-apophantique » (c’est-à-dire non prédicative car non syntaxique) peut être écrite comme noire ou blanche. La liste « noire » est bien sûr celle de Drumont dont un extrait ouvre le texte : la liste est alors autosuffisante, « douloureusement grosse de ces noms » juifs et reliés au judaïsme, elle ne fait finalement que prédiquer son existence, créant « l’objet, autosuffisant, de la haine ». Il considère alors, de façon frappante, le pouvoir de la liste, le pouvoir de la plénitude du sens qu’il nomme totalitaire.

Quelle réponse alors ? Quelle bonne « installation » pour répondre à cette liste et à ce dont elle est l’annonce ? Gaspard Turin note la présence des « listes blanches » dans la littérature du second XXe siècle, les listes faites des « blancs qui entourent, enrobent et distancient ces mots les uns des autres, pour les vider un peu de leur substance supersignifiante ». La liste alors ne cherche pas à réparer, pas plus que la bonne installation ne cherche à venger, ou à réparer le trauma selon Patrice Loraux, elle reste infra-signifiante et dit l’insuffisance intrinsèque des noms, s’exposant alors à la mélancolie. Gaspard Turin fait alors de la liste « blanche » « une solution littéraire », celle du renversement de la forme sur elle-même dans la narration et dans la façon dont elle se construit, ouvrant pour finir la possibilité de chercher d’autres moments où les listes blanches viennent saper les listes noires, les renversant autour du blanc du traumatisme.


Transitions

 

Gaspard Turin est maître assistant à l'université de Lausanne. Il est spécialiste de littérature française contemporaine et de la littérature du fragment.

 

 

 

 

Liste noire, liste blanche

 

 

Gaspard Turin

10/06/2017

 

 

 

En 1886 paraît à compte d'auteur chez Flammarion un livre qui connaîtra un succès retentissant et sinistre, au point de connaître deux cent rééditions au fil des années qui suivirent : La France juive d'Edouard Drumont. À la fin du second volume de ce texte de plus de mille pages figure un index d’environ trois mille noms.

En voici une capture.

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Cette image n’a pas été sélectionnée complètement au hasard, évidemment. Elle résume à peu près ce qu’est cet index, qui regroupe avec précision les noms des Juifs anathématisés dans le livre, mais également d’autres noms de personnalités non-juives, telles que Rubens, Rudolph, Rupert ou Rutebœuf, pour l’exemple ci-dessus.

Rubens est mentionné parce qu’une de ses peintures orna le château de Ferrières, possession de la famille Rothschild, décrit par Drumont comme rempli jusqu’à la gueule de richesses iniquement rassemblées et réduites finalement à la forme, dégradée et topique, du « capharnaüm » (FJ, II, 115).

Rudolph est le nom d’un « petit garçon » qui fut, par des Juifs, « en 1287, à Berne […] tué pour la Pâque » (FJ, II, 382).

Rupert est un catholique antisémite virulent, du milieu du XIXe siècle.

Rutebœuf est mentionné comme contre-exemple de ce que la littérature juive est incapable de produire – le « large souffle des chansons de gestes » (FJ, I, 152).

Tous les noms, juifs ou non-juifs, de ce texte autoqualifié de « livre d’histoire » (II, 557) convergent vers le même point, sans cesse relancé d’un dossier à l’autre, d’une théorie du complot à l’autre, d’une anecdote vécue ou reprise à l’autre : très constante et très pure, la haine du Juif.

« Toute la France suivra le chef qui sera un justicier et qui, au lieu de frapper sur les malheureux ouvriers français, comme les hommes de 1871, frappera sur les Juifs cousus d’or et dira aux pauvres attroupés autour de ce Pactole s’échappant du Sémite décousu : “Si vous avez besoin, ramassez !” »

(FJ, II, 565, dernière page).

La fonction de l’index final, à mes yeux, est double. Comme toujours, l’index désigne un amont, indique la source qui, au sein du texte, justifie sa présence dans le péritexte. Mais en outre, et ceci est plus particulier, il se tourne vers un aval, il se donne lui-même comme source. Il ne fait pas qu’indiquer ceux qui se trouvent dans son livre ; il expose dans la pleine lumière de la IIIe République ceux dont il ne cesse de dire qu’ils se cachent, cauteleux et fourbes très proverbialement, pour commettre leurs méfaits. Après avoir fourni une logorrhée dont le lecteur se dit qu’elle aurait pu continuer pendant d’autres centaines de pages, Drumont s’arrête mais fournit les noms, ultimes objets de sa détestation, souvent autojustifiés dans leur indexation par le sens commun anthroponymique qui reconnaît le nom juif. L’index devient un fichier. Le nom devient l’objet, autosuffisant, de la haine.

Cette autosuffisance est liée à la reconnaissance du nom, mais aussi à la structure même de l’index, c’est-à-dire à sa forme de liste. Un index est une liste instrumentalisée dans une perspective classificatoire, souvent scientifique – du moins, « les index […] passent pour caractéristiques d’un livre savant » (Sève, 2010, 172). Celui-ci offre à La France juive le vernis d’une caution savante, d’un « livre d’histoire ». Mais l’index, en tant que liste, présente aussi une caractéristique textuelle propre, qui réduit sa fonction scientifique : il est non-apophantique – c’est-à-dire que, sur ce qu’il liste, il ne se prononce pas.

La liste, dans sa structure syntaxique, s’oppose à la phrase et aux fonctions que les termes de celle-ci s’imposent les uns aux autres, de dépendance mutuelle ou de hiérarchie. Sève, toujours à propos des index, observe que « tous les termes indexés sont “à égalité”. C’est la logique de la liste. » (Sève, 2010, 175). L’énoncé phrastique, dans la mesure où il s’organise autour d’un prédicat, présente une qualité apophantique : l’adjectif désigne, dans la terminologie aristotélicienne, la catégorie prédicative du langage, par laquelle quelque chose peut être dit de quelque chose (Aristote, 2008, 87) ; par laquelle, à partir d’un terme, on peut en qualifier et en juger un autre ; par laquelle enfin on détermine le vrai et le faux. Or la liste réduit à néant la mise en relation entre les termes, par l’asyndète, qui la fonde et supprime les liaisons de cette relation.

Un énoncé (inventé) tel que « l’ours est un animal vertébré, mammifère, plantigrade, omnivore, massif, diurne, griffu, dangereux, sympathique » – une définition par liste de propriétés, telle qu’Eco (2009, 217-229) l’oppose à la définition par essence – présente dans ses premiers termes un caractère apophantique. Mais si l’on admet, heuristiquement tout du moins, que la liste n’apparaît véritablement qu’à partir de la seconde moitié de l’énoncé, on observe aussi que les qualités de prolongement de la liste tendent à réduire, puis dans le cas de l’énoncé choisi, à supprimer la prédication initiale (un animal peut difficilement être à la fois dangereux et sympathique). Si une forme de liste peut exister sans cotexte, ce qui est le cas de l’index de FJ dans son acception seconde (qui ne se rapporte pas à un amont mais à un aval), alors cet énoncé pourra être qualifié de non-apophantique. Elle se suffit à elle-même, dans la pure signifiance, dans la plénitude des noms qu’elle véhicule, qu’elle parque et enclot. Et elle est autosuffisante parce que, ces noms pleins de leur propre signification, elle en est également pleine ; elle est douloureusement grosse de ces noms dont il est admis qu’ils constituent un problème, appellent à une solution.

Mais, parce qu’elle est non-apophantique, la liste ne dit pas quoi faire avec les noms. Drumont peut l’établir et ne rien en dire de plus, ou plutôt se détacher, se dégager de la responsabilité d’avoir à en dire plus, lâchant la parole sur ce geste : les voici, tous, faites-en ce que bon vous semblera.

En 1886, en appendice à La France juive, la liste de noms juifs n’est pas encore un programme. L’histoire qui vient ensuite se chargera de nourrir encore la densité de ces noms – jusqu’à en lester leurs possesseurs, pour mieux les « couler » (Loraux, 48).

Jusqu’à ce que « le réel devien[ne] ultracompact, total, et que son fonctionnement repose intégralement sur des fonctionnaires » (Loraux, 49).

* * *

Au sortir de la première moitié du XXe siècle, le réveil est brutal.

Pour paraphraser Loraux encore, il est difficile d’admettre que de l’injustice totale ne survienne pas la réparation.

« Notre pensée de la Justice, issue des Grecs, exige que, si quelque chose a lieu à l’excès, il y aura quand même, en retour, un moyen de réparer, une ressource pour compenser. » (Loraux, 42). Mais non. Face à l’hybris, pas de némésis. Pas de retour de la loi, dans le cas qui nous occupe, non plus.

Pourtant il y a, après-guerre, dans la littérature, un retour de la liste. Il se pourrait que l’on trouve, dans cette forme, non pas un monument, mais une « installation » possible comme celle que Loraux appelle de ses vœux (Loraux, 56). Ce qui rend cette installation si particulière, c’est qu’il s’agit, en fait, de la même forme, d’un côté comme de l’autre de la catastrophe. La forme est identique, qui reste non-apophantique mais qui fait usage de ce même défaut de prédication de manière inversée par rapport à la liste totalitaire. Face à la positivité totale du nom, face à la densité du nom qui condamne sans appel son porteur, ce qui est mis en avant n’est plus le nom même, mais l’espace qui sépare les noms les uns des autres. « Installation » est un bon terme, il véhicule un aspect provisoire, non-fini, non-plein, infra-signifiant.

Je voudrais donner deux exemples de cette liste « blanche », tirés de l’œuvre de Patrick Modiano. La première est issue de Villa triste (1975). Son narrateur, Victor Chmara, tente de se souvenir du nom d’une femme qu’il a connue jadis.

Ainsi, elle s’appelait Yvonne. Mais son nom de famille ? Je l’ai oublié. Il suffit donc de douze ans pour oublier l’état civil des personnes qui ont compté dans votre vie. C’était un nom suave, très français, quelque chose comme : Coudreuse, Jacquet, Lebon, Mouraille, Vincent, Gerbault… (VT, 31)

J’observerai simplement un détail curieux à propos de cet extrait. En effet « Yvonne », dont le souvenir en ce début de roman est encore un peu nébuleux pour le narrateur, s’appelle en fait « Jacquet », nom qui apparaît à la page 81, à l’occasion d’un souvenir inopiné : « Je viens de retrouver son nom de famille », dit alors le narrateur juste après sa mention. Pourtant, le nom est déjà apparu cinquante pages plus tôt, dans cette liste amorcée par le narrateur. Par un procédé de type « lettre volée », ce qui se remarque le moins est précisément ce qui est mis en lumière.

Dans cette liste, le nom est moins présent encore que s’il n’était qu’oublié ; il est oublié, c’est un fait, mais au sein même de cet oubli, il y en a un second, qui crée ce qu’on pourrait appeler avec N. Abraham et M. Torok un effet de crypte [1] : sa mention dans la liste des « quelque chose comme » le rend, dans cet instant, inaccessible au souvenir, lui confère le statut de faux nom.

Je propose à présent une seconde liste, tirée de Dora Bruder. Il ne s’agit plus de noms, parce que dans ce texte, qui n’est plus un roman au même titre que l’était Villa triste, les noms ont pris un statut de document inaccessible. Le cadre est celui d’une enquête qui pousse le narrateur à retrouver les traces de cette jeune fille, Dora Bruder, disparue durant l’Occupation sans laisser de traces véritablement exploitables.

Parmi les femmes que Dora a pu connaître aux Tourelles se trouvaient celles que les Allemands appelaient « amies des juifs » : une dizaine de Françaises « aryennes » qui eurent le courage, en juin, le premier jour où les juifs devaient porter l’étoile jaune, de la porter elles aussi en signe de solidarité, mais de manière fantaisiste et insolente pour les autorités d’occupation. L’une avait attaché une étoile au cou de son chien. Une autre y avait brodé : papou. Une autre : jenny. Une autre avait accroché huit étoiles à sa ceinture et sur chacune figurait une lettre de victoire. Toutes furent appréhendées dans la rue et conduites au commissariat le plus proche. Puis au dépôt de la préfecture de police. Puis aux Tourelles. Puis, le 13 août, au camp de Drancy. Ces « amies des juifs » exercaient les professions suivantes : dactylos. Papetière. Marchande de journaux. Femme de ménage. Employée des PTT. Étudiantes. (DB, 140)

On voit la liste apparaître progressivement, comme pour correspondre au destin de ces femmes, pour les accompagner dans l’inconnu de leur destination finale. Plutôt que des noms, ce sont des professions, à quoi se rattachent les actions dérisoires qui leur ont valu la déportation. C’est tout ce que l’on saura d’elles, tout ce qui pourra leur conférer une identité, désormais plus vague encore, moins signifiante encore que les noms qu’elles n’ont plus. La liste est à l’image de l’enquête du narrateur, elle exemplifie l’incomplétude volontaire de celui qui souhaite à la fois réhabiliter la mémoire de Dora Bruder et s’arrêter avant de dévoiler ce qui n’appartient plus qu’à elle, ce « pauvre et précieux secret que les bourreaux, les ordonnances, les autorités dites d'occupation, le Dépôt, les casernes, les camps, l'Histoire, le temps – tout ce qui vous souille et vous détruit – n'auront pas pu lui voler » (DB, 145 : il s’agit de l’excipit du roman).

Bien que de nombreux passages de l’œuvre semblent indiquer que l’identification de l’item perdu constituerait l’achèvement de la quête du sujet modianien, il y a autre chose de caché derrière ce discours. Le constat selon lequel le nom, ou ce qui en tient lieu, est introuvable ; selon lequel, ensuite, quoique trouvé, il est tout de même perdu.

 

Ces listes, négatives, tiennent lieu de réhabilitation mais n’en sont pas véritablement une. Parce que réhabiliter via la mention du nom, ce serait tout de même inscrire le nom – or le nom propre commande l’identité. Le nom propre assigne à résidence du nom son possesseur.

Liste noire, du noir des mots inscrits en positif sur la page. Liste blanche des blancs qui entourent, enrobent et distancient ces mots les uns des autres, pour les vider un peu de leur substance supersignifiante. Qui les protègent de l’assignation, de l’unique de leur signification. Qui, peut-être, offre une modalité d’expression de la « disparition traumatique » (Loraux, 55).

La réponse à l’hybris de la liste, au pouvoir démesuré qui consiste à condamner au nom de la liste, n’est pas la némésis, pas le retour de la loi dans sa positivité, dans le texte qui s’en fait le garant. Elle est dans la mélancolie – la résidence dans le vide interstitiel. Peut-être cette notion de mélancolie permet-elle d’esquisser la création d’un espace de répit. Il ne s’agit pas de répondre à l’interrogation finale de Loraux sur la pertinence d’inscrire au fronton des monuments du souvenir de la Shoah « un Obituaire à l’infini, la liste des disparus » (Loraux, 57) – une solution bien vite abandonnée. Car la seule solution de la liste est une solution littéraire : faire de la liste totalitaire, par le renversement de sa forme même, un lieu de l’incertain, du multiple, du possible.

À propos de ce terme de « mélancolie », une précision. Le danger serait de réassigner, en faisant usage de cette notion, une signification unique à la liste où convergerait toute occurrence de liste « blanche ». Mais la citation qui suit, de Pascal Quignard, permet justement d’envisager que la mélancolie ne se laisse pas appréhender sous le simple signe de son terme, et que ce terme pourrait bien exister essentiellement sous la forme d’une liste, c’est-à-dire ne trouver son identité que sous la forme d’un déport constant d’une terme à un autre, d’un nom à un autre :

Le taedium des Romains s’étendit au Ier siècle. L’ acedia des chrétiens apparut au IIIe siècle. Réapparut sous la forme de mélancolie au XVe siècle. Revint au XIX e siècle sous le nom de spleen. Revint au XXe siècle sous le nom de dépression. Ce ne sont que des mots. Un secret plus douloureux les habite.

(Quignard, 1994, 253).

* * *

Une dernière réflexion, en guise de conclusion. L’axe « avant – après 1945 » n’est pas le seul, quoiqu’il soit peut-être le principal, sur lequel se tient la différence entre listes noires et listes blanches qui permette de penser la disparition traumatique. Je mentionnerai, comme ouvertures possibles, les travaux de Roberto Bolaño et d’Antoine Volodine. Pour le premier, La littérature nazie en Amérique : un texte qui se présente comme le faux tombeau, à la fois sensible et goguenard, d’une trentaine d’auteurs (sud-)américains fictifs, plus ou moins d’extrême-droite. S’y illustre, dans une logique de construction textuelle de nature listique, toute une faune à la fois bigarrée, lamentable et touchante de nullité. Poètes mineurs membres de factions miliciennes, troubadours improbables issus des ultras des virages de stades, universitaires psychotiques auteurs de monumentales et illisibles Réfutations des philosophes des Lumières, asthmatiques souffreteux en attente d’un imminent Quatrième Reich en plein cœur du désert… Le tout, à comprendre comme une sorte de réponse fictionnelle aux disparitions massives des opposants aux régimes de Pinochet ou des Colonels.

Pour le second, les personnages aux noms hybrides et aux activités littéraires qui peuplent son œuvre ressortissent d’une logique post-apocalyptique et se font les échos d’un monde à la fois vaste et en ruines. Un monde à l’agonie, résultat de l’ensemble des catastrophes idéologiques, militaires et écologiques du XXe siècle, qui transcendent l’événement historique pour le ramener à un axe simple, avant-après (on ne sait plus très bien avant et après quoi), où les repères culturels et anthropologiques se défont. La liste y devient une sorte de technique de survie face aux reliquats du totalitarisme, qui oscille entre jouissance verbale, humour du désastre et maintien de l’identité du groupe.

Je pourrais multiplier les exemples mais je préfère maintenir la fragilité de la suggestion de leur existence, comme de celle d’un continent enfoui, ou mieux encore, de celle d’une communauté dissidente et solidaire.

 

Ouvrages cités

Abraham, Nicolas et Torok, Maria, Cryptonymie. Le Verbier de l’homme aux loups, Flammarion « Champs », 1976.

Aristote, De l’interprétation in Organon I et II, trad. Tricot, Vrin, 2008.

Bolaño, Roberto, La littérature nazie en Amérique, trad. Amutio, Christian Bourgois, 2003 [1996].

Drumont, Edouard, La France juive, Flammarion, 1886.

Eco, Umberto, Vertige de la liste, trad. Bouzaher, Flammarion, 2009.

Loraux, Patrice, « Les disparus » in L’art et la mémoire des camps. Le genre humain n° 36, Seuil, 2001.

Modiano, Patrick, Villa triste, Gallimard, 1975.

Modiano, Patrick, Dora Bruder, Gallimard « Folio », 1999 [1997].

Quignard, Pascal, Le sexe et l’effroi, Gallimard, 1994.

Sève, Bernard, De haut en bas. Philosophie des listes, Seuil « L’ordre philosophique », 2010.

Volodine, Antoine, Vue sur l’ossuaire, Gallimard, 1998.



[1] Je fais ici référence à l’ouvrage de N. Abraham et M. Torok, Cryptonymie. Le Verbier de l’homme aux loups, et plus encore à sa préface, « Fors », par Jacques Derrida (Paris, Flammarion « Champs », 1976).

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