Séminaire « Critique sentimentale »
Séance du 10 octobre 2014

 
La Révolution des Saints [1]

 

Patrick Hochart

18.10.2014

                                                          

 

Quoi qu’il en soit des critiques plus ou moins feutrées émises à l’encontre de L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme [2], l’enquête de Walzer se donne comme le « pendant » politique de celle de Weber concernant l’économie [3] et se fixe pour objet d’inventorier les applications politiques de l’ « ascétisme séculier » mis en lumière par Weber. A ce compte, ce qu’a inventé le « calvinisme politique » (p. 32, 83…) - expression, à vrai dire, quelque peu pléonastique, s’il est vrai que Calvin fut « le professeur de politique du protestantisme » (p. 68) [4], plus soucieux de déterminer ce qui touche « à la conduite morale et à l’organisation sociale » (p. 41) que d’approfondir et d’élucider témérairement tel ou tel arcane de théologie [5], qu’il fut « un activiste et un politique ecclésiastique » (p. 45), moins épris de spéculation, ni même de théorie politique (p. 42) que passionné d’organisation [6] et que « son apport le plus caractéristique […] est d’ordre pratique et social, organisationnel et programmatique » (p. 43) -, ce donc qu’a inventé le calvinisme politique n’est rien de moins que l’idée moderne de Révolution, pour autant qu’elle se distingue de la révolte et qu’elle suppose, en l’occurrence sous la conviction aiguë de la Chute, que la réalité politique et son ordonnance ne sont pas de l’ordre du donné, soit de la tradition ou de la nature, ne sont pas de l’ordre d’un corps ou d’un organisme dont chacun serait « membre » (p. 188 et sq.), ni des diverses modalités traditionnelles d’allégeance et de loyauté personnelle scellant une hiérarchie qui s’inscrive dans « la grande chaîne des êtres » (p. 168 et sq.), non plus d’ailleurs que référées à un contrat social (p. 50-51), mais qu’elles ne sont rien d’autre qu’un remède (p. 45, 53) providentiel contre le désordre de la nature déchue et l’arrogance des pécheurs [7] ; à la rigueur une sorte de médecine (p. 93), à ceci près qu’il ne s’agit pas de ramener à quelque norme naturelle de santé, mais de construire [8], d’instaurer, d’instituer de l’ordre sur les ruines de ce qui doit être systématiquement détruit comme fauteur de désordre, bref que la réalité politique est le fait, pour peu que Dieu les désigne à cet office, d’ « entrepreneurs politiques », qu’elle relève d’un travail et d’un ouvrage consciencieux [9] qui détruise le donné pour élaborer une République - de la famille à la congrégation et jusqu’à l’Etat - où Dieu soit à l’honneur.

Dès lors que nature et tradition, comme aussi bien toute manifestation sentimentale spontanée, portent la marque de la corruption et du démon [10], que le monde est la proie du Malin (p. 116, 119-20, 298-99), le sens de la « Réforme » s’infléchit (p. 25-26), sa carrière devient sans limite [11] et le zèle se substitue à l’affection [12], en rompant toute attache avec les allégeances et les loyautés personnelles ; encore faut-il ajouter qu’un ordre qui est « le produit de l’art et de la volonté et de l’action des hommes » (p. 331-32) est comme tel [13] voué à l’activisme et que la passivité traditionnelle (p. 18, 24) fait place au sens de la responsabilité [14] et au zèle indéfectible des saints [15] qui au-delà du salut de leur âme ont à cœur « d’accroître et d’illustrer la gloire du Seigneur » (p. 70). 

C’est dire, en second lieu, que si le calvinisme politique promeut ainsi la perspective inouïe d’une réforme « universelle » (p. 25), d’une révolution permanente - car Satan ne saurait désarmer et « jamais ne devient chrétien » (p. 298, 317) -, en proie à des purges incessantes (p. 315), à une sorte de « Terreur puritaine » (p. 244), pour éradiquer les « faux frères » (p. 300, 315) [16], il invente ou crée (p. 285) [17] aussi les agents de cette Révolution, ses « entrepreneurs » (p. 339), autrement dit les « saints » [18], hommes nouveaux (p. 125) [19], militants zélés (p. 15) de la « sainte cause » (p. 32) - dès lors que « la Parole engendre la Cause » (p. 138) [20] -, soit des hommes déliés de toute obédience atavique, tenus à leur seule conscience et qui se considèrent comme des « instruments de Dieu » [21], mais qui loin de se dissiper dans quelque excentricité anarchique - la hantise de Calvin relativement aux prophètes (p. 81) -, se trouvent être proprement des « créations de l’idéologie » [22], chez qui « l’engagement idéologique prend la place de la loyauté personnelle » (p. 139) [23]. Comment donc se combinent l’accent mis sur la conscience [24] et l’obéissance disciplinée des saints [25] ? Ou encore comment entendre la volonté d’être un pur et simple instrument, soit le ressort même de la sainteté ?

C’est, d’une part, que la conscience, pour non « mondaine », et donc non inexpiablement corrompue, qu’elle soit, n’est pas un for interne ni ne regarde le privé [26], mais « un fragment de la volonté divine que l’homme porte en lui » (p. 75) [27] et, à ce titre, une affaire publique et collective [28] qui se doit exposer et qui est sanctionnée par l’action [29] , justifiée par le succès [30] ; d’autre part, que l’idéologie n’est pas un reflet (p. 8, 85, 323, 329), fût-il déformé (p. 346-47, n.9), de telle ou telle position ou transformation sociale, mais qu’elle s’avère proprement « un facteur du processus historique » (p. 46) [31], ce qui opère, par le biais d’une « technologie spirituelle » (p. 161), « le triomphe sur la tentation de la pensée libre et de l’expression spontanée » (p. 334) [32], en croisant la conscience et la coercition (p. 64), la conscience et l’obéissance (p. 115), la conscience et la discipline, et en coordonnant[ 33] de telle sorte les consciences que comme il n’y a pas de travail plus prégnant que celui auquel on se livre par « vocation », il n’est pas de sujétion plus consommée que celle qui opère avec l’aveu et par le biais de la conscience [34], et qui « captive ainsi la volonté même » [35], jusqu’à produire « l’obéissance volontaire » (p. 64, 183-84), la « subjection volontaire » (p. 51), puisqu’au demeurant, Calvin entend promouvoir non la réconciliation, mais l’obéissance (p. 42, 45, 62).

Aussi bien par la vertu de l’équivoque [36], le ressort même qui libère ces « hommes sans maître », ces hommes ou ces intellectuels « formellement libres » (p. 29, 111, 113) et qui les affranchit de toute obédience traditionnelle, est cela même qui les voue à la sujétion la plus étroite, à savoir la reconnaissance de la toute-puissance arbitraire de Dieu, extraordinaire levier de nivellement et d’écrasement de toute hiérarchie (p. 169, 279) [37] ; ainsi par la vertu d’une « ambiguïté fondamentale » (p. 75), le calvinisme récuse la passivité et toute forme de quiétisme (p. 184), pour astreindre ses fidèles à un activisme discipliné [38].

 

 

 


[1] Michael Walzer, Paris, 1987.

[2] « Nous avons là [ dans la « vision inédite de la politique comme une sorte de travail continu et “consciencieux” »] sans nul doute le résultat le plus significatif de la théorie calviniste de l’activité mondaine, avant même que le protestantisme ait insufflé son réalisme religieux dans l’ordre économique » (p. 16) ; «Quant aux valeurs obligées de la bourgeoisie - tempérance, prudence, économie -, elles ne constituent nullement le noyau le plus révélateur de la morale puritaine du dix-septième siècle… » (p. 141) ; « La diligence laborieuse des saints finit par appeler une sorte de réconciliation avec le succès et avec l’aisance matérielle, encore que sur ce dernier point les premiers théoriciens puritains soient extrêmement réticents. L’idée n’est pas que le travail procure la richesse ; les ministres conçoivent mal la possibilité d’une augmentation rapide de la productivité. D’instinct, ils ont tendance à une sorte de malthusianisme économique » (p. 233) ; « Mais Weber ne dit pas seulement cela : il soutient que l’esprit d’acquisition systématique est, tout comme l’ascétisme, d’origine calviniste. […] Sur ce point, l’argumentation de Weber ne tient pas. […] … la véritable vocation des saints se définit beaucoup mieux en termes de fonction publique qu’en termes d’acquisition capitaliste ou de liberté bourgeoise» (p. 323-26). 

[3] « De fait, l’esprit nouveau des puritains peut se définir comme une sorte d’éthique du travail politique et militaire, qui fait directement pendant à l’ “ascétisme séculier” que Max Weber a mis en lumière dans la vie économique, mais centré non pas tant sur l’acquisition que sur la contestation, la lutte, la destruction et le reconstruction » (p. 27) ; « Il [le saint] correspond en gros à l’ “entrepreneur” économique de Weber, lequel diffère du prudent bourgeois médiéval et du capitaliste aventurier italien à peu près de la même manière que notre saint diffère du sujet médiéval et du condottiere de la Renaissance. […] C’est à ces “ entrepreneurs ” politiques qu’est consacré notre livre » (p. 31-32. Aussi bien le sous-titre du livre est-il assez explicite : Ethique protestante et radicalisme politique.

[4] Comme Rousseau, note Walzer, l’a bien reconnu : « Ceux qui ne considèrent Calvin que comme théologien connaissent mal l’étendue de son génie » (note du Contrat Social, II, 7, OC, t. III, p. 382, citée par Walzer p. 221).

[5] « A propos des questions théologiques les plus importantes - le mystère de l’essence divine et de la grâce qu’il dispense à l’homme -, Calvin refuse en général la spéculation, estimant que sur de tels sujets, celle-ci n’est que péché de vanité. Les passages spéculatifs de l’Institution sont étrangement brefs et obscurs. […] Il fait ce que l’on pourrait appeler de la théologie antithéologique » (p. 41 ; cf. p. 179-80 : « … la campagne menée par le calvinisme contre la curiosité théologique ») ; « C’est la tendance constante du calvinisme que de transformer la théologie du salut en une sociologie » (p. 186-87).

[6] « Peu d’hommes dans l’histoire ont aimé plus que lui les réunions publiques. D’où la pléthore d’organisations nouvelles où l’on voit pour la première fois à l’œuvre la discipline de la république chrétienne » (p. 46).

[7] « La Chute a créé une autre nature et un homme asocial, une créature haïssant la soumission et perpétuellement avide de dominer les autres. “Je dis que la nature des hommes est telle qu’un chacun voudrait dominer et être maître par-dessus ses prochains : et de s’assujettir, il n’y a personne qui le veuille faire de son bon gré” [Sermons sur le livre de Job] » (p. 48) ; « Pour Calvin ni la légitimité ni l’obéissance ne peuvent avoir leur source dans l’homme. “Il y a leur arrogance qui les sollicite toujours à se vouloir élever par trop. Ainsi donc il n’y aura point de subjection volontaire, jusqu’à ce que Dieu y ait besogné” [Sermons sur le cinquième livre de Moïse] » (p. 51). Sur l’accointance de Hobbes avec Calvin, malgré sa détestation des puritains (p. 131), cf. p. 43, 51, 55, 176 ; au reste, Walzer souligne, après Mosse que « l’existence d’un parti puissamment organisé de rebelles politiques constitue le corollaire historique du dispositif formidable et complexe de l’Etat moderne », comme si les puritains avaient établi « la base sociale de cette obéissance dont les nouveaux monarques ont besoin » (p. 31).

[8] « L’idée de la construction, et en particulier de construction sur des “fondations nouvelles” est une vieille idée de la pensée puritaine » (p. 198) ; « Les saints se voyaient comme des instruments de Dieu ; c’étaient des démolisseurs, des architectes, des constructeurs - engagés dans un travail sur le monde politique » (p. 17).

[9] « L’activisme zélé des saints […] marque la transformation de la politique en un travail et révèle pour la première fois l’extraordinaire conscience qui dirige ce travail » (p. 16) ; « Ce que proclame ce ministre puritain c’est que l’action politique est une entreprise créatrice à laquelle les saints ont à la fois le privilège et l’obligation de participer » (p. 26) ; « Derrière ces deux formes [« le magistrat pieux et le soldat religieux »], il n’y a pas seulement l’ambition d’une classe précise, mais également la conscience calviniste avec son extraordinaire conception de la politique comme travail, et du travail comme effort permanent et lutte incessante contre le démon » (p. 36) ; « … elle [l’ambition des puritains] vise à faire de la politique non plus un devoir aristocratique, mais un type de travail, et de faire du travail en général le devoir de tout homme » (p. 230).

[10] « Le calvinisme est le produit d’une étonnante victoire sur les tentations de l’affectif et de l’intime en matière religieuse » (p. 40) ; cf. à propos de l’éducation : « Les sentiments naturels ne jouent qu’un faible rôle ; bien plus, ils doivent être consciemment réprimés, de crainte que les enfants mauvais [i.e. : en tant qu’ils sont mauvais] ne soient gâtés par l’affection » (p. 207).

[11] Tant il faut réformer toute chose (p. 25) et jusqu’à la Réforme elle-même (p. 26).

[12] « C’étaient des “frères” qu’ils cherchaient, quitte à rompre au besoin avec leur famille; de zèle qu’ils avaient soif, non d’affection” (p. 17).

[13] Fût-il providentiel.

[14] « Les saints sont responsables du monde où ils vivent - au sens où les hommes du Moyen Age ne l’étaient pas - et ils ont surtout la responsabilité de le réformer en permanence » (p. 26).

[15] « On n’avait encore jamais vu en Europe d’activistes politiques révolutionnaires animés par une idéologie » (p. 18).

[16] « C’est là, en quelque sorte, que Satan est à l’œuvre, c’est là qu’il est toujours le plus actif - dans les rangs des saints » (p. 334).

[17] « La même terreur se trouve à la source de la quête hobbienne du pouvoir absolu. Mais le Dieu de Calvin exerce déjà un tel pouvoir, et il l’exerce aussi jalousement que le Dieu des Juifs. Ce que les puritains recherchent plutôt, ce sont des sujets obéissants et consciencieux, des hommes régénérés, les saints volontaires du pacte. Et si le pouvoir hobbien n’a pas été nécessaire en Angleterre, c’est en partie parce qu’ils ont su trouver, ou fabriquer de tels hommes » (p. 222).

[18] Terme qui s’applique aux puritains mais aussi aux jacobins et aux bolcheviques : « Selon les contextes culturels différents, à des moments différents de l’histoire, la sainteté revêtira nécessairement des formes différentes, et les saints se lanceront dans des révolutions différentes. Mais la perception radicale du monde, et la réaction radicale face au monde seront presque certainement communes à beaucoup d’hommes chaque fois que beaucoup d’hommes auront en commun l’expérience qui est à l’origine de cette perception et de cette réaction, chaque fois que se défait soudainement le lien qui rattachait les hommes à de vieilles certitudes » (p. 331).

[19] « Avant d’essayer de créer un ordre nouveau, il faut que les puritains, les jacobins ou les bolcheviques créent un homme nouveau » (p. 335 ; cf. encore p. 334).

[20] Le but des ministres est « d’organiser les hommes autour du Verbe » (p. 161) ; à l’inverse le protestantisme français « n’a jamais été sous le contrôle de sa fraction cléricale. C’est un peu pour cela que les guerres de religion n’ont jamais débouché sur un conflit de type révolutionnaire » (p. 132 ; cf. p. 107) ; autrement dit, faute de prééminence cléricale, le ferment idéologique a manqué au mouvement huguenot.

[21] « La métaphore de l’instrument de Dieu est si fréquemment utilisée dans la littérature puritaine qu’elle en arrive presque à remplacer l’image bien plus ancienne de l’homme comme enfant de Dieu » (p. 183).

[22] « D’eux [des « saints »] on peut dire sans exagération qu’ils sont les créations d’une idéologie : ils sont en quelque sorte remodelés par elle, la discipline nouvelle maîtrisant et canalisant leur énergie » (p. 47) ; « Les saints constituent un groupe étroitement discipliné, exemple suprême de la puissance organisatrice de l’idéologie nouvelle » (p. 70).

[23] Non sans permettre, voire exiger le « fanatisme » (p. 126, 276), eu égard au « sentiment de plus en plus confiant chez les saints de connaître parfaitement les intentions divines » (p. 311).

[24] Seul lieu où se peut avérer le commandement de Dieu au regard d’un monde de perdition (cf. p. 119 : …il devient évident soudain qu’avec le diable sur le terrain, ce n’est plus dans ce qui arrive sur terre que la volonté de Dieu se révèle »).

[25] Cf. les propos de La Boétie sur la « conscience » : « Car comme il n’est rien de plus juste ni plus conforme aux lois que la conscience d’un homme religieux et craignant Dieu et pourvu de probité et de prudence, ainsi il n’est rien de plus fol, plus vain et plus monstrueux que la conscience et superstition de la multitude indiscrète » (Mémoire sur la pacification des troubles, Genève, 1983, p. 36).

[26] « L’individualisme puritain ne conduit jamais au respect de la vie privée. On reconnaît ses droits à la conscience délicate, mais elle est protégée uniquement des intrusions des “mondains”, et non pas des “admonestations fraternelles” » (p. 320-21). 

[27]  Tel « un nouveau maître en eux-mêmes » (p. 333) dont la « découverte » ouvre « le monde de la maîtrise de soi » (p. 126 ; cf. p. 335) et forge le « caractère d’une force peu commune » (p. 31) de ces hommes qui n’ont « que mépris pour les valeurs de la personne et de l’esprit » (p. 273) et qui répugnent à toute acception de personne, mais qui, malgré l’isolement (p. 119, 146), l’angoisse (p. 222) et « l’instabilité » (p. 149, 165, 276…) qu’ils éprouvent au regard d’un monde jugé abominable, ne laissent pas de s’affirmer (p. 229, 275), « sûrs d’eux-mêmes » (p. 227), d’acquérir « le sentiment pieux de leur propre importance » (p. 232), de leur mérite social (p. 270), de leur dignité, et « d’arriver à la confiance en soi par l’obéissance à des règles » (p. 269) et des « engagements responsables et impersonnels » (p. 231).

[28] « La conscience calviniste est une conscience collective » (p. 75) ; « … chez les saints la conscience est chose publique » (p. 76) ; « Faisant sienne la perception nouvelle que le protestantisme a de la conscience comme quelque chose de public… » (p. 92) ; « Et la conscience œuvre dans le cadre de l’office : elle est, en fait, l’appel de Dieu à l’action politique » (p. 98) ; « La sainteté brouille les distinctions entre personnage public et individu privé, car la conscience du saint équivaut à un ordre signé de Dieu, et elle impose donc des devoirs public » (p. 283). Aussi bien « la conscience elle-même est-elle d’ailleurs liée davantage par la puissance que par la vertu et la légalité » (p. 56).

[29] « La conscience, comme toujours chez les calvinistes, est confirmée par la réalité » (p. 77).

[30] « La conscience sera donc le sauf-conduit qui libèrera le saint de la passivité politique ; le succès, le signe divin qui justifiera tous ses actes » (p. 75).

[31] « Le pouvoir d’une idéologie, en revanche, réside dans la capacité qu’elle a de mobiliser ses partisans et de transformer le monde » (p. 44)

[32] « C’est la discipline, non la liberté, que l’on trouve au cœur du puritanisme » (p. 166) ; « Mais la liberté, répétons-le, n’est pas ce que les puritains visent » (p. 214).

[33] « Les consciences des saints, comme celles des pieux magistrats, sont égales et “coordonnées” : “Ainsi la conscience de celui qui commande ne doit pas être davantage un juge souverain par rapport à celui qui obéit, écrit en 1601 un “ gentilhomme pieux”, que la conscience de celui qui obéit ne doit être un juge souverain par rapport à celui qui commande » (p. 283). 

[34] « Et de même que le travail, dans la vocation choisie par chacun, est plus dur, plus régulier, plus assidu qu’aucun travail ne l’avait jamais été, de même le self-government puritain est plus systématique et plus répressif qu’aucun gouvernement de l’avait jamais été » (p. 237).

[35] Rousseau, Emile, OC, t. IV, p. 362 : « Il n’y a point d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté ; on captive ainsi la volonté même » (cf. p. 64).

[36] « Calvin, lui, tout en écrivant une prose merveilleusement logique, est le maître de l’équivoque. Son œuvre possède cette grande vertu politique qu’est l’ambiguïté » (p. 40 ; cf. p. 41, 76). C’est pourquoi il importe « de définir Calvin au premier chef, non pas comme un théologien ni comme un philosophe, mais comme un idéologue » (p. 44).

[37] « C’est un peu ce rôle [celui du despotisme « pour ouvrir la voie à la démocratie »] que joue le Dieu du calvinisme ; son existence même met en péril la hiérarchie médiévale des ordres et des pouvoirs. Il établit sa propre toute-puissance en nivelant le cosmos, en détruisant le pouvoir intermédiaire des anges, de la Vierge Marie et des saints, du pape, des évêques, et pour finir du roi lui-même. C’est ce Dieu, ce tyran arbitraire, volontaire, tout-puissant, universel qui façonne et qui domine la conscience calviniste. Mais s’il exige une obéissance absolue et méticuleuse, au point de n’avoir aucun équivalent dans l’histoire de la tyrannie, il libère aussi les hommes de toutes sortes de juridictions et d’autorités secondes » (p. 169 ; cf. encore p. 279) ; « L’écroulement de l’ordre traditionnel aurait pu libérer les hommes, mais la volonté de Dieu, leur conscience même de saints les enchaînent plus solidement que jamais » (p187) ; « Ainsi le membre du corps politique, lorsqu’il devenait un saint, était comme le maillon de la grande chaîne, libéré de ses anciens liens, mais n’était pas pour autant en liberté » (p. 199).

[38] « Le puritanisme n’exige pas seulement la piété la plus intense, mais un activisme et un engagement des plus intenses » (p. 241).

 

 

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