Exergue n° 5

 

 

« J’ai déjà mentionné l’apparition chez nous de divers vilains petits personnages. Aux époques troubles, aux époques de transition, ils surgissent toujours et partout. Je ne parle pas des gens dits « avancés », dont le principal souci est de ne pas être en retard et qui ont toujours un but plus ou moins défini, si bête soit-il. Non, je n’ai en vue que la canaille. Elle existe dans toute société, mais n’apparaît à la surface qu’aux époques de transition ; elle ne poursuit aucun but, ne possède pas l’ombre d’une idée ; elle exprime tout simplement l’impatience et la confusion de la société. [...] Hormis peut-être certaines personnes étrangères, nul ne sait et j’ignore moi-même en quoi consistait le malaise général et de quelle “transition” il s’agissait : transition entre quoi, en somme ? »

Fédor Dostoïevski, Les Démons, traduction B. de Schlœzer,
Paris, Gallimard, Folio classique, 1997, p. 485.

 
 


Hélène Merlin-Kajman

14/10/2011

Quand nous avons choisi ce nom tout imprégné de Winnicott, « Transitions », nous n’avons pas songé à son passif politique, oublié qu’il pouvait désigner, pour la tradition conservatrice, la décadence ; et pour les révolutionnaires, le passage d'un mode de production à un autre, et tout particulièrement le processus historique de dépérissement du mode de production capitaliste sous l'effet de la lutte des classes; la dictature du prolétariat, avant l'avènement du communisme; non la timide lenteur, la mollesse du réformisme. 

Cependant, de ce texte de Dostoïevski, de cette voix profondément creusée d’ironie qui nous interdit tout type de rapide consolation, je retiens que nous aussi, en « vilains petits personnages », nous connaissons « l’impatience et la confusion de la société ».

  Peut-être, ici, contrairement à eux, essaierons-nous de voguer, voilà tout.

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