Exergue n° 9

 

« Les artistes peuvent accomplir ce miracle. Ils peuvent surmonter cette faiblesse caractéristique de l'homme qui n'apprend que de sa propre expérience tandis que l'expérience des autres ne le touche pas. L'art transmet d'un homme à l'autre, pendant leur bref séjour sur la Terre, tout le poids d'une très longue et inhabituelle expérience, avec ses fardeaux, ses couleurs, la sève de sa vie : il la recrée dans notre chair et nous permet d'en prendre possession, comme si elle était nôtre. »

Alexandre Soljenitsyne, Le CRI. Le discours du prix Nobel,
dans L'Express, Paris, n° 1104, 4-11 septembre 1972, p. 66-73.

 
 


 Sarah Mouline

11/11/2011

Quel fol espoir nourrit celui ou celle qui prend la décision d’écrire une histoire, peut-être son histoire ? Quel fol espoir nourrit celui ou celle qui saisit au vol une histoire étrangère ? Do they have a common dream ? Serait-ce insensé de croire que la littérature puisse transgresser et dépasser la finitude de l’homme, s’insinuer au cœur des monades humaines, incisant des portes, ouvrant des fenêtres ? Qu’elle tisse des liens, façonne des ponts, permette à l’expérience de passer la frontière de l’individu ? Car quelque chose se passe à l’intérieur de celui qui reçoit, n’est-ce pas ? Quelque chose change, un étranger entre et laisse une trace. Elle est désormais là. A toi, à moi, à nous, à vous. La voici orpheline et partagée. J’aimerais l’écrire : la littérature permet cet échange entre les hommes, traversant les corps, traversant le temps, elle relie les morts aux vivants.  J’aimerais le croire : cet échange n’est pas seulement débat d’idées, transmission de connaissance, mais transmission d’expérience. Il est de ceux qui agissent et façonnent, changent. J’aimerais que la transmission agisse comme une transformation.