Exergue n° 27

 

« Le mot “passage” ne sait pas dire l’évanouissement de la vague qui succède à la vague le rythme de la pensée qui recouvre la pensée

Le mot dans ses frontières le mot dans ses lettres isolé entre les blancs sur la page ne peut pas dire la transition du jour à la nuit et de la nuit au jour

la bascule de l’arrière-saison dans la saison nouvelle

l’entrée dans le sommeil

le prolongement du bruit dans le silence… »

Joëlle Gardes, Dans le silence des mots,
Paris, Éditions de l’amandier, 2008, p. 38.

 
 



Claire Badiou-Monferran

17/03/2012

« Ne sait pas dire », « ne peut pas dire » : comme chacun sait en revanche, depuis Freud, la négation est une épargne psychique. Conjoignant deux énonciations (p et non p), elle fait advenir une pensée inconsciente et interdite (p) sous couvert de sa censure linguistique (non p). Dans le « dialogue cristallisé »[1] élaboré par Joëlle Gardes, la « transition » est l’impensé de la littérature ; « le mot dans ses frontières » son hiatus visible, conscient et consenti. À charge, pour la négation grammaticale, de nous conduire douloureusement de l’un à l’autre. À mouvement-transitions d’inventer une « bascule » positive, pour ressaisir joyeusement, sans le détour du « ne…pas », la dynamique ouverte de la littérature jouant du hiatus et de la transition. Ou plutôt, sur le modèle de la scission incluse, du hiatus dans la transition. Notre attitude, notre décision : substituer à la mélancolie des points de suspension – seul signe de ponctuation, dans l’extrait en exergue de Joëlle Gardes – la densité émotionnelle d’un point d’exclamation.



 [1] O. Ducrot, Les Mots du discours, 1980, p. 49.

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