Exergue n° 65

 

 

« Vous-mêmes, ne seriez-vous pas les premiers à parler de la “Puissance des ténèbres”, de “l’obscur pouvoir du mal” ? Vous ne craignez pas la métaphore quand elle sait convaincre. Or, je trouve d’elle un emploi plus efficace pour parler de cette part nocturne de l’homme qu’on ne peut explorer, où l’on ne peut s’engager que si l’on s’arme, si l’on s’enduit, si l’on s’embaume, si l’on se couvre de tous les ornements du langage. » 

Jean Genet, L’Enfant criminel,
in Œuvres complètes, Gallimard, 1979, vol. V, p. 386.

 
 


Marie-Hélène Boblet

02/02/2013

 

La conviction œuvre au niveau de la rationalité : elle ne connaît que la part diurne, rationnelle, du sujet et de l’intersubjectivité. Elle s’accommode d’images qui ne font courir aucun risque à qui en use : ni la perte des repères, ni l’effroi de la mort.

Mais que vaudrait un art sans ce risque ? Le texte littéraire s’écrit-il à partir d’un imaginaire arraisonné ? Il accueille au contraire le sujet qui dépasse le disant, comme disait Stendhal, ce qui échappe au code et à l’équation.

Au-delà, ce qui rend la métaphore non seulement juste mais vive et surtout vivifiante, c’est de porter la trace de l’énigmatique blessure à laquelle tout être survit. Ne témoigne-t-elle pas de l’art avec lequel, par ce geste de transfert et de déplacement qui n’est pas si éloigné de l’esquive du matador, on survit à la misère et accède à la grandeur : à la fois art et arme, Genet rêve un viatique : un discours orné qui, « paré » de métaphores, nous pare contre le risque de la nuit...