Abécédaire

 
 Divers n° 2
 
 


Brice Tabeling

06/12/2014

 « As-tu entendu le chant des oiseaux ce matin ? ». Cris d’alerte, cris d’appel, mélodies, de différentes espèces se mêlent. C’est un phénomène sonore qui n’a pas d’unité : ce n’est pas un concert, ce n’est pas une cacophonie, ce n’est même pas un nuage. Les rythmes ne s’ajustent pas, ni les voix, ni leur position, ou leur trajectoire, dans l’espace parmi les arbres. Ce n’est pas un volume car il y a des stridences qui le déchirent, des battements sourds qui l’étalent. On parle pourtant du chant des oiseaux (et non pas des chants des oiseaux). De la même manière, on parlera du divers.

Nuage, concert ou cacophonie : rapidement, notre oreille organise. Elle n’efface pas les singularités mais tente de les ordonner en une figure, de les articuler à un désir. Concert pour qui aime l’harmonie, cacophonie pour qui souhaiterait pouvoir fuir, nuage pour qui ne veut pas savoir, pas trop vite, qui veut pouvoir encore ne rien dire. Comme on parle d’harmonie, de cacophonie, ou de nuage, on parlera de diversité.

Du divers à la diversité, il y a à peine un moment. Très vite, la figure s’impose à notre conscience et corrige l’impossible géométrie du pluriel. Les chants se hiérarchisent ou s’amalgament, un rythme naît du désordre des vitesses, un théâtre apparaît là où il n’y avait qu’une série d’intensités. Pour faire durer le divers, il faudrait être légèrement endormi, que notre oreille tâtonne un peu face au désordre des perceptions.

Le divers existe-t-il ? La diversité est le concept dont on tirera des arguments utiles et qu’on pourra faire durer dans de nouvelles figures. Le divers est à peine une précédence : avant que ne surgisse la figure, juste avant que le multiple ne prenne forme, il y avait quelque chose, plusieurs choses, des différences en rapport que n’organisait pas encore notre désir. Le divers ne nomme pas ce qui précède, du moins pas sans l’articuler aussitôt à la figure : ce n’est pas l’informe du pluriel avant l’arrivée de la conscience. Peu importe que les oiseaux chantassent quand nous n’étions pas là ! Le divers est un moment du réel qui fait transition vers notre présence.