Abécédaire

 

 
Satisfaction n° 2
 
 


Pierre-Élie Pichot

26/05/2018

 

 

De nos jours, la satisfaction est un contentement fugace et mesquin. On satisfait son ego, son appétit, une demande d’information, un besoin urgent, au bout du couloir, à droite. La satisfaction est le moins coûteux des dons, et vraiment on aurait mauvaise grâce à la refuser, exemple : « Édouard Philippe donne satisfaction au patronat » (Le Monde, 10 juillet 2017).

Certes, on ne peut pas donner satisfaction à tout le monde. On n’y peut rien, il y aura d’éternels insatisfaits : les Français, les ambitieux, les alchimistes, les artistes engagés, les poètes élégiaques, les enseignants, les verres à moitié vide, les créanciers de Balzac, les requêtes en nullité de forme, notre besoin de consolation. Mais pour les autres, les motifs de satisfaction se fabriquent à la chaîne. Ceux-là sont les « quatre-vingt pour cent de satisfaits » dont se flatte, d’un air lui-même satisfait, la réclame de Nivea, ou bien ledit Édouard Philippe au deuxième jour de son mandat.

Faudrait-il donc renoncer tout à fait à la satisfaction ? Elle est pourtant, dans l’Ancien régime et peut-être encore aujourd’hui dans quelques occurrences, aussi essentielle à la concorde publique qu’elle est, dans ses usages les plus fréquents, propice à la concurrence individuelle. Dans un litige, cette satisfaction-là — datée, perdue peut-être —,  la « satisfaction de la personne lésée », efface magiquement les blessures et les griefs ! Même lorsqu’elle est insuffisante, elle a ses vertus : elle donne l’occasion au plaignant de s’en satisfaire, par bonté et miséricorde. La mort du Christ, ajoutent ainsi les catholiques, est la « satisfaction » du Père pour les torts du genre humain. Il n’y aurait donc pas que des satisfactions matérielles....

— Encore faut-il y croire ! Ces satisfactions-là me paraissent plus miraculeuses que la plus miraculeuse des crèmes Nivea.

— Mais a-t-on seulement le choix d’y croire ? Car comment pardonner, sans ce genre de satisfaction ? Et comment, sans la bénévolence qu’elle implique, exercera-t-on sa bonté à abolir l’inconciliable des litiges ? Vivant à Paris, je me le demande encore.

 

 

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